Par Juan Cole

Ann Arbor (Informed Comment) – Le Premier ministre israélien d’extrême droite Benjamin Netanyahu a réussi à faire d’Israël une version du 21e siècle du Hollandais volant. Britannica nous apprend que l’Europe est à l’origine de la légende du « Hollandais volant », un vaisseau fantomatique destiné à naviguer éternellement. Lorsque les marins l’aperçoivent au loin, ils savent qu’une catastrophe est imminente. Une version courante du conte met en scène le capitaine Vanderdecken, qui parie son âme immortelle en jurant de franchir le cap de Bonne-Espérance au milieu d’une tempête. Lui et son navire sont condamnés à naviguer dans ces mêmes eaux pour l’éternité. Cette légende constitue le sujet de l’opéra de Richard Wagner, Der fliegende Holländer [Le Hollandais volant] (1843).

Le « Rime of the Ancient Mariner » de Samuel Taylor Coleridge fait également référence à cette histoire :

« La carcasse nue arriva,Et tous deux lancent les dés ;

Le jeu est fait ! J’ai gagné ! J’ai gagné !

dit-elle en sifflant trois fois.

Le soleil s’abaisse, les étoiles se précipitent,

l’obscurité s’installe d’un seul coup,

et le spectre s’écorce dans un murmure lointain sur la mer.

Mardi matin de la semaine dernière, le bateau de croisière Crown Iris, rempli de touristes israéliens , a tenté de s’arrêter sur l’île de Syros, au sud d’Athènes. Ils ont été bloqués par une manifestation populaire massive dans le port d’Ermoupolis, organisée en dépit d’un couvre-feu décrété par les autorités municipales pour les résidents locaux, interdisant le trafic et la circulation dans le port dans l’espoir de permettre aux touristes israéliens de débarquer. Les gens ont ignoré l’interdiction de circuler pour se rassembler malgré tout. Finalement, le bateau de croisière a dû larguer ses amarres et repartir sans débarquer aucun de ses 1600 passagers.

La manifestation qui a bloqué le débarquement était organisée par des syndicalistes et des groupes de la société civile, dont les membres arboraient de grands drapeaux palestiniens et brandissaient une banderole portant le logo « Stop au génocide ».

Malgré la tentative du ministre israélien des affaires étrangères, Gideon Saar, de faire intervenir le ministre grec des affaires étrangères, George Gerapetritis, les manifestants ont remporté la victoire. Le gouvernement grec de centre-droit du Premier ministre Kyriakos Mitsotakis a condamné les actions des manifestants.

Le Crown Iris a bien réussi à accoster à Limassol, à Chypre, puis est retourné en Israël, avant de revenir en Crète avec l’intention de se rendre sur l’île de Rhodes.

Mais les syndicats et les organisations de la société civile de Rhodes se mobilisent maintenant contre cette visite, avec une manifestation prévue lundi après-midi au Vieux Port Commercial, une demi-heure avant l’accostage prévu du Crown Iris.

Les organisateurs ont lancé l’appel suivant :

« Le lundi 28 juillet 2025, dans l’après-midi (15h30), le navire de croisière israélien Iris Crown arrivera au port de Rhodes (ancien port commercial – bureau des douanes). C’est ce même navire qui s’est récemment approché de Syros, provoquant la protestation symbolique des habitants de l’île contre la politique génocidaire mise en œuvre par le gouvernement d’extrême droite [ακροδεξιά] de Netanyahou à l’encontre du peuple palestinien. Les résidents, ainsi que les visiteurs de l’île, ont réussi à empêcher son accostage au port, l’obligeant à faire demi-tour et à partir… « L’Association des employés municipaux de Rhodes appelle ses membres, ainsi que ceux qui refusent de transiger avec l’idée même du massacre de civils, de leur extermination par la famine forcée, et du génocide systématique – mais qui en même temps cherchent une solution juste et viable à la question palestinienne – à se rassembler à l’ancien port commercial / bureau de douane à 15h00 le lundi 28 juillet ». « Le message de notre protestation est clair : nous résistons à la politique meurtrière de l’extrême-droite de Netanyahou (qui a été inculpé par la Cour pénale internationale en tant que criminel de guerre) et de ses partisans – alors que nous n’avons rien contre les Israéliens ou les juifs par religion qui s’opposent au crime ou qui n’y participent pas.

Bien que les propagandistes israéliens qualifient les manifestations d’antisémites, les organisateurs, au moins, nient qu’elles concernent les Juifs ou la judéité, voire les Israéliens. Il s’agit de manifestations contre les politiques génocidaires, disent-ils, d’un gouvernement israélien particulier, qu’ils caractérisent par le même mot grec généralement utilisé pour désigner les partis néo-nazis en Europe, tels que l’AfD en Allemagne.

Cet épisode, qui a transformé les passagers des bateaux de croisière israéliens en hollandais volants de la Méditerranée, montre non pas la montée du fanatisme antijuif, mais la manière dont Benjamin Netanyahu, Itamar Ben-Gvir, Bezalel Smotrich et une galerie de criminels de guerre au sommet de l’État israélien ont fait d’Israël un État paria. Leur propagande a toujours consisté à dire que la création d’un État sioniste était essentielle à la sécurité des Juifs, mais leurs politiques de droite dure ont eu l’effet d’un boomerang, rendant les Israéliens et les Juifs moins sûrs. Ce qui aurait assuré la sécurité des Israéliens, c’est la mise en œuvre des accords de paix d’Oslo, signés par Yitzhak Rabin en 1993, et que Netanyahou se vante bruyamment et interminablement d’avoir détruits.

De nombreuses manifestations ont été organisées contre les cargos israéliens – à Oslo, Istanbul et San Francisco – et l’Espagne refuse de laisser accoster dans ses ports les navires israéliens soupçonnés de transporter des armes.

Hélas, ce n’est que le début. Lorsque les images des cadavres décharnés des Palestiniens de Gaza, y compris des enfants, apparaîtront sur les écrans des smartphones du monde entier dans les semaines à venir – à l’instar des photos prises par les soldats américains qui ont libéré les camps de la mort nazis tels qu’Auschwitz – le statut de paria de l’État israélien sera encore plus solidement cimenté.

Personnellement, je ne suis pas d’accord avec le boycott des Israéliens. Les gens doivent être jugés sur leurs actes et non sur leurs origines. Mais ce crime du 21e siècle va malheureusement et inévitablement jeter une longue ombre. Et les Américains, qui se sont ralliés à Netanyahou et à ses fous millénaristes, ne devraient pas non plus penser qu’ils échapperont eux-mêmes à cette opprobre mondiale qui s’accumule.

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