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Ibrahim Al-Amine

Dans le monde de la politique, on dit que les politiciens les plus dangereux ne sont pas ceux qui ne craignent pas la critique, mais ceux qui s’en moquent complètement.

Au Liban aujourd’hui, il semble que les piliers du pouvoir aient dépassé cette définition, devenant ainsi proches de dieux qui n’entendent pas la critique et s’en moquent s’ils l’entendent.

Seuls ceux qui se sentent jouir d’une immunité absolue, suffisante pour les protéger de toute remise en question, de toute responsabilité ou même de tout examen, ont la capacité d’agir ainsi.

Nous savons tous que les nouveaux dirigeants qui se sont installés au pouvoir depuis le début de l’année n’ont pas eu besoin du consentement du peuple, ni de l’accord des partis ou des députés, ni d’aucun des mécanismes traditionnels d’élection, de nomination ou de formation. Ces derniers, qu’il s’agisse des présidents, des ministres, des directeurs ou des responsables, agissent en partant du principe que seule l’instance qui leur a accordé l’immunité et la protection nécessaires pour accéder à leurs fonctions a le droit de les interroger ou de les contrôler. Par conséquent, la seule chose qu’ils craignent vraiment, c’est le tuteur extérieur.

Ce qui s’est passé avant, pendant et après la séance du Conseil des ministres d’hier n’était pas un événement ordinaire, ni un détail insignifiant. Même si cette autorité est incapable de mettre en œuvre ce qu’elle a décidé, le danger ne réside pas dans la description de l’acte en soi, mais dans ce qu’il révèle de la voie que le pays va emprunter désormais sous la direction de ces personnes.

Ceux qui ont accepté de suivre la décision de désarmer la résistance n’hésiteront pas à brader les actifs de l’État, de l’or qu’ils ont commencé à chercher à liquider, au reste des biens de l’État jusqu’à ce qui est plus grave encore, lorsque les institutions sécuritaires et militaires seront placées sous la tutelle directe des États-Unis et de l’Arabie saoudite, qui servent exclusivement les intérêts de l’ennemi israélien.

Les délibérations de la séance d’hier ont montré une certaine différence dans l’attitude du président de la République, Joseph Aoun, et du chef du gouvernement, Nawaf Salam.

Il est vrai que le président Aoun a cherché à trouver une solution consensuelle qui satisfasse tout le monde et a tenté de convaincre les ministres en désaccord, mais les faits ont confirmé ce que Salam avait déclaré avant la séance : Aoun ne prendra aucune position qui puisse entraver la prise d’une décision finale, même si cela doit déplaire au Hezbollah et au président Nabih Berri. Il s’est avéré qu’Aoun, tout comme Salam, n’avait pas l’intention de prendre des mesures qui l’auraient mis en conflit avec les États-Unis et l’Arabie saoudite.

Des proches du président de la République ont justifié son refus de lever la séance par le fait qu’il ne voulait pas entrer en conflit avec le chef du gouvernement. Mais en réalité, comme tout le monde le sait, Aoun n’accorde pas beaucoup d’importance à Salam et n’est pas prêt à entrer en conflit avec Washington ou Riyad, d’autant plus qu’il n’est pas personnellement opposé au principe du désarmement.

Quant au chef du gouvernement, son problème ne commence pas seulement par la manière dont il traite le dossier du conflit avec l’ennemi. Depuis la formation de son gouvernement, il est passé complètement dans le camp adverse. Il est devenu, comme le roi de Jordanie et le gouverneur de la province de Ramallah, entièrement soumis à l’autorité tutélaire étrangère. Son souci n’est pas seulement de satisfaire Washington et Riyad, mais aussi de prendre des mesures fermes pour saper le projet de résistance et de lutte contre l’occupation.

Les développements récents ont montré que Salam n’aurait pas atteint sa position actuelle sans son engagement préalable envers les politiques adoptées par son gouvernement, qu’il s’agisse de fermer les yeux sur les agressions israéliennes, d’entraver la reconstruction, le refus de financer les besoins des personnes sinistrées, le sabotage de toute institution servant la cause de la résistance, jusqu’à l’implication dans le complot le plus grave depuis 1989 : le renversement de l’accord de Taëf et la destruction pure et simple de la Constitution !

Ce qu’a fait Nawaf Salam hier, et ce qu’ont approuvé le président de la République et tous les autres participants à la séance du gouvernement, ne va que dans un seul sens : saper le cadre qui régit la vie constitutionnelle et nationale au Liban.

Et l’approbation du document de soumission provenant de Washington et de Riyad n’est rien d’autre qu’une acceptation explicite de pousser le pays, même progressivement, vers une explosion. Ces derniers s’imaginent peut-être que la guerre israélienne en cours et ce que connaît la Syrie depuis la chute du régime de Bachar al-Assad leur fourniront une couverture ou un soutien pour faire face au projet de la résistance, non seulement en tant qu’arme, mais aussi en tant qu’idée, organisation et mouvement populaire.

Al Akhbar