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Nous qui nous battons pour que la France retrouve son indépendance, nous avons peu d’armes – pour l’instant. Mais notre volonté de comprendre le monde tel qu’il est est notre plus grand atout.

Edouard Husson

A tous ceux qui sont désespérer de voir la France sombrer, je voudrais redonner du courage, pour deux raisons: d’abord, l’agonie du macronisme, à laquelle nous assistons, va rouvrir le champ des possibles. Ensuite, nous avons un atout: notre volonté de comprendre le monde tel qu’il est, sans filtre idéologique. L’esprit français, c’est même la dernière chose que le reste du monde nous reconnaît: regardez le débat mondial suscité par le plus récent livre d’Emmanuel Todd, La défaite de l’Occident! J’en profite pour signaler à ceux de mes lecteurs qui ne ‘lauraient pas vu que nous avons la chance de pouvoir suivre Todd sur Substack.

Nos actuels dirigeants nous ont placé dans la pire des situations

C’est très important d’avoir cela en tête parce que les Français sont actuellement dans la pire des situations. (1) Nos dirigeants se comportent en “dernier rempart du globalisme”, rappelant la participation des Français dévoyés de la Division Waffen SS Charlemagne à l’ultime défense de Berlin en mai 1945. (2) Le moins que l’on puisse dire, c’est que nous n’avons pas de Général de Gaulle ni de résistance française organisée. Par exemple, Macron vient de réitérer pour la quatrième fois son intention de mettre la dissuasion nucléaire française à la disposition de l’Allemagne. Les protestations de LFI, des Républicains ou de RN sont de pure forme: une opposition digne de ce nom aurait dû faire rentrer ses propos à Macron dans la gorge dès octobre 2018, première occurrence du sujet dans ses discours publics….

Le plus grave, c’est que, France d’en haut ou France périphérique, pas grand monde ne prend en compte le regard du monde non-occidental. Qui comprend que, pour la majorité de l’opinion mondiale, Vladimir Poutine est un héros qui, non seulement a osé défier le globalisme occidental, mais est en train de le mettre à genoux?

Qui prend la mesure du dégoût qu’inspire, à l’échelle de la planète, le soutien américain, britannique, allemand, français, au génocide des Palestiniens de Gaza? C’est le jeu cynique des grandes puissances, mais si la Russie et la Chine n’interviennent pas pour arrêter le massacre, c’est en partie pour laisser l’Occident s’enfoncer….Les pays qui aident Israël à massacrer des centaines de milliers d’innocents, en particulier des enfants à Gaza, seront, sont déjà dans la position de l’Allemagne après 1945: il leur faudra des décennies pour reprendre pied dans les négociations internationales.

Je vois des tas de prises de position sympathiques, dans les médias alternatifs français, qui fêtent les BRICS et se réjouissent de tous les coups que se prend Emmanuel Macron. Mais ne vous faites pas d’illusions: Russie, Chine, Brésil, Inde et bien d’autres, n’auront aucune pitié pour la France, dans les décennies qui viennent, si nous ne sommes pas capables de retrouver, comme pays, notre indépendance! Au bout du compte, un pays ne peut compter que sur lui-même; il doit trouver en lui-même le ressort de l’indépendance; sinon il disparaît de l’histoire et, dans notre cas, ne sera plus qu’un beau musée.

Se débarrasser de “l’Occident”

Je propose d’abord que nous nous débarrassions de la notion d’Occident. Faites l’histoire du terme: son ascension est parallèle d’un certain déclin français. La France a d’abord été le défenseur de “la chrétienté”, au Moyen-Age. Puis, après la rupture de l’unité chrétienne causée par la Réforme, Sully, Richelieu, Mazarin, ont donné à nos rois la capacité d’être les arbitres de “l’Europe”.

Or, curieusement, c’est au moment où la France est à l’apogée historique de sa puissance et de son rayonnement, au milieu du XVIIIème siècle, que nos élites se prennent de fascination pour d’autres modèles.

Chateaubriand, dans les Mémoires d’Outre-Tombe, écrit qu’à la veille de la Révolution, le grand chic était “d’être Anglais à la Cour, Américain à la Ville et Prussien à l’Armée”. Nous n’en sommes pas sortis. Macron fait des courbettes à Charles III, explique en mauvais anglais qu’il veut “Make ze Planète Great Again” et propose à l’Allemagne le partage de la dissuasion nucléaire.

Il y a bien sûr une grande brisure dans l’esprit français au XVIIIème siècle; c’est par rejet du catholicisme que nos philosophes se passionnent pour la séparation des pouvoirs à l’anglaise, la révolution américaine ou la philosophie allemande. Progressivement nous sommes devenus “occidentaux”. Dans l’idée de renier notre héritage catholique; et au risque de rejeter tout notre héritage méditerranéen, notre modèle politique, qui est romain!

Nous avons bien eu notre grande Révolution et sa mise en scène romaine, son débouché impérial. Mais c’était une tentative brouillonne de développer une France qui ait un modèle propre dans la modernité, au moment où l’Océan Atlantique éclipsait la Méditerranée, où l’Occident anglo-germanique prenait son envol pour dominer le monde durant deux siècles. Nous ressemblons au fond pas mal à la Russie, qui a inventé le bolchevisme au XXème siècle pour à la fois imiter l’Occident et lui résister. Remarquons que nos deux pays ont épuisé beaucoup de forces dans l’aventure. La Russie s’en sort apparemment plus vite que nous.

Ce que veut dire l’Occident pour le reste du monde

Il faut bien prendre la mesure de ce que signifie l’Occident pour le reste du monde. La démocratie, la justice sociale, c’est bien beau, mais les non-Occidentaux ont constaté que que l’Occident se les réservait. Ailleurs, il pille et massacre. Pour le reste du monde, l’Occident, c’est le génocide des Indiens d’Amérique du Nord, le désastre causé par la politique monétaire anglaise du XIXème siècle, en particulier en Chine. C’est la guerre de l’opium, la colonisation. Ce sont les guerre mondiales et leurs massacres. L’Occident, c’est Auschwitz et Hiroshima. Ce sont les guerres américaines du Proche-Orient et la tentative, depuis 1948, d’expulser les Palestiniens de leur terre, avec l’accélération dramatique du génocide de Gaza. C’est, depuis trente ans, les guerres du Rwanda et du Congo.

Il faut bien comprendre le contresens historique commis par nos milieux dirigeants, quand ils ont décidé de notre retour dans le commandement intégré de l’OTAN, quand ils ont soutenu la métamorphose de la Communauté Européenne, facteur de paix et de stabilité à l’Union Européenne, organisation de plus en plus belliciste. Soutenir la continuation à tout prix de la Guerre d’Ukraine, aujourd’hui; soutenir le massacre des Palestiniens de Gaza, c’est, de la part des dirigeants français d’aujourd’hui, faire de notre pays une cible de la réprobation universelle qui touche l’Occident.

La France des rois capétiens, de Jean Jaurès et du Général de Gaulle: un combat permanent pour l’émancipation et l’égalité des peuples!

Notre histoire n’est pas toujours louable mais la Révolution, les empires et les républiques qui scandent notre histoire depuis plus de deux siècles, c’est un peu comme l’URSS et la Russie d’aujourd’hui: un combat pour l’égalité des peuples! Or telle est la grande bataille de notre temps: la lutte pour défendre l’égalité des peuples et la construction d’un monde de nations égales entre elles, indépendantes, souveraines. Depuis plus de deux siècles, l’Occident anglo-germanique a voulu imposer sa vision inégalitaire des relations internationales. C’est cette réalité là que le reste du monde rejette.

Or nous aurions toutes les raisons de défendre notre modèle propre: “liberté, égalité, fraternité”. Des dirigeants français héritiers des rois capétiens, de Jean Jaurès et du Général de Gaulle auraient toutes les raisons de combattre avec les peuples qui rejettent le globalisme, ultime avatar de la domination occidentale, avec son économie financiarisée à outrance, son pillage des ressources naturelles de la planète dissimulé derrière le souci du changement climatique, ses guerres permanentes, ses “révolutions de couleur”, sa politique de contrôle démographique imposé, son ordre sanitaire etc….

Vous avez dit identité française?

Je n’aime pas le terme d’identité appliqué à la politique. Il fige l’histoire d’un peuple. Une nation est fondée selon des principes, qu’elle déploie dans une histoire, toujours ouverte à la nouveauté – sans quoi elle meurt.

Je me méfie aussi d’un terme qui nous a été imposé par le monde anglo-germanique. Qu’il s’agisse de se battre pour “l’identité de genre” ou de défendre “l’identité française”, gauche et droite sont tombées dans le piège du débat imposé, depuis des décennies par les Etats-Unis.

Relevons néanmoins le défi, cherchons les composantes d’une identité française aujourd’hui. Et constatons que plus la France se veut “occidentale”, plus elle renonce à être la France! Pourquoi, parce qu’elle rejette ses origines, son histoire, les principes qui l’ont fondée:

+ la France a, depuis trop d’années, oubliée qu’elle est méditerranéenne: elle est née au contact du monothéisme proche-oriental, de la philsophie grecque et de l’art politique et stratégique romain.

+Rome! ces mille ans d’histoire qui mènent de l’accueil de tous les proscrits et hors-la-loi par Romulus, en 753 avant notre ère à l’édit de Caracalla, en 212 de notre ère, qui accorde la citoyenneté à tous les ressortissants de l’Empire. La France est née lorsqu’Auguste a décidé de faire de la Gaule le pilier occidental de l’Empire, ce que l’Empereur Claude a réalisé définitivement en 48 de notre ère, en forçant le Sénat romain à accepter des Gaulois dans ses rang. Que nous le voulions ou non, nous sommes non pas des “Gaulois” mais des “Gallo-romains”, nous devons chérir le précieux héritage de la fabrique de citoyens que fut Rome.

+ La romanité française, c’est aussi l’immense héritage catholique: nous ne pouvons pas prétendre l’éradiquer de notre histoire sans nous défaire d’une partie de nous-mêmes. La grandeur de la France, depuis trois siècles, est dans sa capacité à faire vivre ensemble “celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas”, pour citer “La rose et le réséda” de Louis Aragon. Ce qui unit la Rome païenne et la Rome chrétienne, c’est un même combat pour l’égalité des hommes et, de plus en plus, l’égalité des peuples!

+ Voulez-vous forger l’identité française d’un nouveau siècle? Retrouvez l’importance de la Méditerranée dans notre histoire. Aujourd’hui, elle est notre meilleure porte d’entrée, à condition que nous la voyions comme un lieu du dialogue des civilisations, vers le nouveau monde en train de se construire – au moment où l’Océan Pacifique a détrôné l’Atlantique et où se crée la diagonale des BRICS, de Vladivostok à Santiago du Chili.

C’est à cette aventure là que nous devons participer – au lieu d’être partie prenante de l’effondrement du globalisme occidental.

Edouard Husson – Libres Propos