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L’interdiction de visa est une atteinte à la représentation palestinienne

L’administration Trump a annoncé vendredi qu’elle refuserait et révoquerait les visas d’environ 80 hauts responsables palestiniens, dont le président Mahmoud Abbas, avant l’Assemblée générale des Nations unies qui se tiendra à New York en septembre. Cette mesure, d’une ampleur sans précédent, empêcherait la plupart des membres de la délégation palestinienne d’accéder à l’une de leurs rares tribunes internationales.

Le département d’État a justifié cette mesure en invoquant les recours de l’Autorité palestinienne devant les tribunaux internationaux, son refus présumé de condamner les attentats du 7 octobre et sa recherche d’une reconnaissance unilatérale. Or, cette décision viole l’accord de 1947 sur le siège de l’ONU, qui oblige Washington, en tant qu’État hôte, à admettre toutes les délégations. À Washington, le droit international, tout comme la diplomatie, est considéré comme un outil au service des intérêts d’Israël.

Contrairement aux affirmations des États-Unis selon lesquelles Abbas n’a pas condamné l’opération du Hamas du 7 octobre, dans une lettre envoyée début juin 2025 au président français Emmanuel Macron – ainsi qu’au prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane – Abbas a écrit que ce qu’a fait le Hamas, « en tuant et en prenant des civils en otage, est inacceptable et condamnable ». Il a en outre appelé à la libération immédiate de tous les otages, au démantèlement des capacités militaires du Hamas et à son éviction du pouvoir à Gaza.

Collaboration rejetée

Cette interdiction est frappante car l’Autorité palestinienne a longtemps servi de sous-traitant à l’occupation israélienne. Plutôt qu’un mouvement de libération, Mahmoud Abbas et le Fatah sont devenus les administrateurs d’un statu quo imposé.

Les soi-disant « forces de sécurité » de l’Autorité palestinienne ont travaillé en étroite collaboration avec Israël pour réprimer la résistance, arrêtant les combattants, dispersant les manifestations et maintenant l’ordre pendant que les colonies s’étendaient. L’Autorité percevait des impôts, gérait des services et projetait une façade de souveraineté alors qu’Israël renforçait son contrôle.

À maintes reprises, Abbas s’est plié aux exigences des États-Unis et d’Israël : des « pourparlers de paix » interminables sans paix, la restriction des campagnes internationales contre Israël et la gestion d’une bureaucratie conçue davantage pour pacifier que pour résister.

Sa rhétorique faisait écho à la préférence ostensible de Washington pour les négociations plutôt que pour la confrontation. Pourtant, dès qu’il a cherché à obtenir une responsabilité même modérée, en demandant des poursuites à La Haye, lui et son entourage ont été punis comme des ennemis.

La leçon est claire. La docilité n’a pas protégé Abbas. L’obéissance ne lui a pas valu de faveurs. En interdisant la délégation, Washington a montré que la soumission ne garantissait rien. Les décennies de compromis de l’Autorité palestinienne n’ont abouti qu’à l’humiliation, prouvant que troquer la résistance contre des promesses creuses est un marché sans récompense.

L’hypocrisie mise à nu

Washington prétend que sa décision préserve la paix, mais l’hypocrisie est évidente. En 1988, elle a refusé un visa à Yasser Arafat, obligeant l’ONU à se déplacer à Genève pour qu’il puisse s’exprimer.

En 2013, elle a interdit l’entrée sur son territoire à Omar el-Béchir, président du Soudan, en raison de son inculpation par la CPI. Pourtant, Benjamin Netanyahu, lui-même recherché par la CPI pour des crimes commis à Gaza, s’adressera à l’Assemblée sans problème. La loi est appliquée de manière sélective ; les principes sont transformés en arme.

Le timing révèle également les intentions. La France, le Royaume-Uni et le Canada s’apprêtent à reconnaître la Palestine, rejoignant ainsi près de 150 pays qui l’ont déjà fait. Washington craint qu’Abbas n’utilise la tribune de l’ONU pour faire pression en faveur de l’indépendance et le réduit donc au silence de manière préventive. Il ne s’agit pas de diplomatie, mais de sabotage, d’une tentative d’effacer les Palestiniens du débat mondial alors même que la dynamique en faveur de la reconnaissance s’intensifie.

La reconnaissance creuse de l’Europe et la situation dans son ensemble

Malgré tout, la campagne de reconnaissance menée par l’Europe est truffée de contradictions. Une reconnaissance sans souveraineté n’est guère plus qu’un drapeau sur papier. Un « État » palestinien dépourvu de frontières, d’espace aérien, d’eau et d’économie serait un fantôme. La vision occidentale est celle d’une gestion, et non d’une libération : Abbas – ou un successeur trié sur le volet à son image – présiderait des enclaves fracturées tandis qu’Israël fixerait les conditions.

Pourtant, même ce geste vide de sens alarme Washington et Tel-Aviv, qui s’empressent de l’étouffer avant qu’il ne prenne de l’ampleur. L’interdiction de visa est plus qu’une simple mesure bureaucratique, c’est une atteinte à la représentation palestinienne elle-même. Une fois de plus, les États-Unis se révèlent être non pas un médiateur, mais le bras armé d’Israël, liant leur crédibilité à l’occupation permanente.

Pour ceux qui croyaient que la collaboration mènerait à la libération, la leçon ne pourrait être plus claire. Des décennies de soumission, d’abandon de la lutte armée au profit des négociations et de coordination de la sécurité avec l’occupant n’ont abouti qu’à la trahison.

Dès qu’Abbas a demandé des comptes, il a été écarté comme un outil devenu inutile. On ne peut pas négocier la liberté ; négocier avec ceux qui sont déterminés à vous effacer ne mène qu’à l’effacement.

En réduisant Abbas au silence, Washington n’a pas seulement humilié une Autorité docile. Il a affiché son mépris pour le droit international, le système des Nations unies et les voix palestiniennes.

Les États-Unis se posent en champions de la démocratie et des droits de l’homme, mais leur comportement est celui d’un tyran autoritaire qui craint de perdre le contrôle. Et même si la délégation palestinienne est exclue de l’Assemblée de septembre, son absence sera plus éloquente que n’importe quel discours, rappelant au monde entier qu’un peuple effacé de la salle n’est pas effacé de l’histoire.

Théran Times