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La Russie veut mettre fin à la guerre en Ukraine selon ses propres conditions. Le Kremlin pose des exigences irréalistes pour une rencontre avec le président ukrainien.

Markus Ackeret

Lors du Forum économique oriental qui s’est tenu dans la ville russe de Vladivostok, sur la côte pacifique, Vladimir Poutine n’a laissé planer aucun doute sur sa volonté de mettre fin à la guerre en Ukraine selon ses propres conditions.

La Russie considère avec incompréhension et mécontentement les initiatives européennes visant à mettre fin à la guerre en Ukraine. Les Européens constituent un obstacle dans la recherche d’un accord de paix pour le conflit, a déclaré vendredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Les opinions du président américain Donald Trump, en revanche, coïncident sur certains points avec celles de la Russie. Il a ainsi résumé la position de son chef, Vladimir Poutine. À l’issue de son voyage en Chine, Vladimir Poutine s’est rendu au Forum économique oriental à Vladivostok, où il a une nouvelle fois clairement indiqué que la Russie n’était pas disposée à renoncer à ses exigences envers l’Ukraine et l’Occident.

La Russie veut respecter ses engagements

Il a associé le déploiement éventuel de soldats européens en Ukraine aux « causes initiales » du conflit et l’a clairement rejeté. Si des unités occidentales étaient déployées en Ukraine pendant les combats, elles seraient considérées comme des cibles militaires légitimes, a déclaré Poutine. S’il devait y avoir une solution de paix à long terme, il n’y verrait d’autant moins aucun intérêt. « S’il y a un accord, personne ne doit douter que la Russie en respectera pleinement les conditions. Nous respecterons les garanties de sécurité qui seront élaborées pour la Russie et l’Ukraine et nous nous conformerons à tous les accords », a-t-il déclaré lors de la séance plénière du forum.

La référence aux « causes initiales » du conflit est essentielle. Il fait référence au fait que la Russie avait déjà accusé l’Occident de vouloir stationner des troupes de l’Alliance de défense nord-atlantique (OTAN) en Ukraine et que la menace qui en découlerait pour la Russie aurait été une raison importante dans la décision de déclarer la guerre en février 2022.

Les assurances données par Poutine à l’Ukraine et aux Européens quant au respect des engagements de la Russie ne devraient guère les impressionner. Lors d’accords antérieurs avec Moscou, tels que le mémorandum de Budapest de 1994 qui confirmait l’intégrité territoriale de l’Ukraine, Poutine a ensuite fait valoir que ceux-ci avaient été violés par la partie adverse. Il a ainsi tenté de justifier l’attaque de février 2022.

Pas de cession de territoires en échange de garanties de sécurité

Le refus de la présence de contingents occidentaux sur le territoire ukrainien remonte à plusieurs années. La veille encore, le ministère russe des Affaires étrangères avait fermement rejeté les propositions européennes. Dans le contexte de la réunion de Paris sur l’Ukraine prévue jeudi, la déclaration de Poutine est toutefois sans équivoque. Des commentateurs proches du Kremlin avaient déjà souligné que si la Russie acceptait cette proposition, elle remettrait en question le succès de son « opération spéciale ».

Poutine a affirmé que Moscou ne s’était jamais opposée à l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. L’Ukraine a le droit de choisir cette voie. Certains observateurs y voient également un calcul du Kremlin, car l’adhésion de l’Ukraine à l’UE pourrait attiser les dissensions entre les États membres et affaiblir la communauté de l’intérieur.

Lors de sa conférence de presse finale à Pékin, Poutine avait déjà rectifié les discussions sur les garanties de sécurité et un « échange de territoires » mentionné à plusieurs reprises par Trump. La question des garanties de sécurité contre des territoires n’a jamais été posée, et la Russie n’y répondrait pas, a-t-il déclaré. Les garanties de sécurité sont nécessaires, mais elles n’ont rien à voir avec les territoires. La Russie n’a jamais cherché à gagner des territoires, mais à défendre les droits des populations de ces régions à parler leur langue et à vivre leur culture, a-t-il réaffirmé.

Au vu des ravages causés par la guerre dans ces régions d’Ukraine, le cynisme est évident. Il a également relativisé l’espoir que la Russie soit prête à renoncer à certaines parties des territoires annexés à l’automne 2022 dans le Donbass et le sud-est de l’Ukraine, en référence aux référendums fictifs qui s’y sont tenus à l’époque. Les résultats doivent être pris en compte. « C’est ainsi que fonctionne la démocratie », a-t-il déclaré à Pékin.

La capitulation comme objectif

La réticence de la Russie à négocier une solution pacifique avec les Européens et les Ukrainiens s’est manifestée par le fait que Poutine n’a pas exclu une rencontre avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Il s’est dit prêt à la rencontrer. « Je vous en prie, venez, nous vous garantirons dans tous les cas de bonnes conditions de travail et votre sécurité. À 100 %. Mais si on nous dit : « Nous voulons vous rencontrer, mais vous devez vous déplacer pour cela », cela me semble être une exigence excessive. » Le meilleur endroit pour cela serait Moscou. Cependant, Poutine a ajouté qu’il ne voyait pas l’intérêt d’une telle rencontre. Il serait de toute façon impossible de parvenir à un accord sur les questions clés avec les dirigeants ukrainiens.

De manière un peu moins détaillée, mais en ajoutant qu’une rencontre avec Zelensky – qu’il a qualifié de « chef de l’administration » – devait être très bien préparée, il avait déjà fait cette proposition à Pékin. Kiev avait immédiatement répondu par un refus. Il est évident que l’Ukraine ne peut accepter une rencontre à Moscou, la capitale de l’ennemi. Pour elle, ce voyage en Russie serait une humiliation et équivaudrait à une capitulation.

C’est précisément ce que Putin semble vouloir. D’une part, il n’a aucun intérêt à rencontrer Zelensky en tant que partenaire de négociation à part entière. D’autre part, les dirigeants russes veulent mettre fin à la guerre selon leurs propres conditions, soit par la voie diplomatique, soit, si celle-ci ne donne pas de résultats acceptables pour le Kremlin, par la voie militaire.

NZZ