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Images de la guerre de Gaza 2023-2025

Par Michael Brenner

Les victimes de crimes graves méritent d’être commémorées. Il en va de même pour ceux qui les ont courageusement protégées. Le génocide perpétré par Hitler est en effet solennellement reconnu dans d’importants mémoriaux votifs, à Berlin, en Russie (Babi Yar) et à Washington. Les héros et héroïnes qui ont risqué leur vie pour sauver des âmes innocentes sont honorés à Yad Vashem, en Israël.

Le respect dû à l’humanité et l’opinion de l’humanité nous obligent à honorer de la même manière ceux qui ont lutté contre le massacre des Palestiniens, qui ont cherché à soulager leurs souffrances et qui ont dénoncé les atrocités commises à leur encontre par les Israéliens. Dans ce cas précis, il n’y a pas eu d’intervention physique directe de la part d’étrangers, car les victimes sont inaccessibles. Néanmoins, ils constituent des exemples remarquables d’intégrité et d’empathie qui transcendent les frontières étroites de l’ethnicité ou de la nationalité. Pour ce faire, ils ont résisté aux pressions excessives exercées de toutes parts pour qu’ils se conforment ou se taisent. Certains ont payé le prix de cette témérité. Au contraire, ils ont estimé qu’il était impératif de mettre en lumière les horreurs commises à Gaza et de témoigner de la conduite éhontée de leurs bourreaux.

[Je ne connais pas un seul cas où des Juifs israéliens auraient secouru des Arabes. Il est vrai que les Gazaouis et les Israéliens juifs ne se côtoyaient pas, les premiers étant déjà séparés dans un camp de concentration virtuel. En Cisjordanie, cependant, le nettoyage ethnique violent en cours aurait pu donner lieu à des actes de décence, mais aucun ne semble s’être produit.

Ce n’est pas ici le lieu d’identifier individuellement ces personnes vertueuses. Toute tentative d’établir une liste risquerait en effet d’en oublier certaines qui le mériteraient. D’ailleurs, ils sont bien connus, d’autant plus qu’ils sont relativement peu nombreux. Parmi eux figurent d’anciens ambassadeurs américains dont les réalisations exceptionnelles constituent des jalons historiques du siècle dernier, des commentateurs courageux et des journalistes indépendants qui ont saisi l’occasion offerte par les médias électroniques alternatifs pour dénoncer les abus de pouvoir et les arguments spécieux, ainsi que ceux qui ont amplifié le rapport accablant de Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés.

La place d’honneur devrait être réservée aux milliers d’étudiants qui ont manifesté leur conviction que les idéaux américains et les principes humanistes universels exigeaient l’arrêt des massacres, pour être ensuite cruellement trahis par les hauts responsables universitaires, des eunuques moraux, qui ont préféré verser des indemnités colossales à un extorqueur dérangé et sordide qui se proclame Prince de la Justice. Pourquoi ? Pour avoir toléré (brièvement) la condamnation publique de crimes odieux contre l’humanité. Parmi les manifestants « pas en mon nom », il y avait des centaines d’étudiants juifs dont le caractère et la conscience avaient été façonnés par un mélange de vertu civique américaine et d’idéaux issus de leur héritage religieux.

Tout aussi remarquables sont les nombreux complices – actifs ou passifs – du génocide de Gaza. 99 sénateurs, plus de 400 représentants, les éditeurs/propriétaires/rédacteurs en chef de tous les grands médias, les présidents ou recteurs de presque toutes les universités et collèges du pays, les directeurs de fondations, les think tanks, les ecclésiastiques muets, les associations professionnelles inertes de la société civile américaine tant vantée. Tous méritent une part de responsabilité dans le comportement génocidaire de notre pays. Ils porteront à jamais la marque de leur infamie.

Où ces monuments commémoratifs votifs devraient-ils être placés ? Les endroits les plus appropriés sont la pelouse sud de la Maison Blanche, la rotonde du Capitole, la cour du Département d’État, le 251 H Street à Washington, le hall d’entrée du bâtiment du New York Times, Harvard Square et l’université Columbia.

INSCRIPTION :

« Ne vous laissez pas intimider… ni priver de vos libertés sous prétexte de politesse, de délicatesse ou de décence. Ces termes, tels qu’ils sont souvent utilisés, ne sont que trois noms différents pour désigner l’hypocrisie, la fourberie et la lâcheté. » John Adams

Michael Brenner est professeur émérite d’affaires internationales à l’université de Pittsburgh et membre du Center for Transatlantic Relations à la SAIS/Johns Hopkins. Il a été directeur du programme de relations internationales et d’études mondiales à l’université du Texas. Brenner est l’auteur de nombreux ouvrages et de plus de 80 articles et publications. Ses travaux les plus récents sont : Democracy Promotion and Islam (Promotion de la démocratie et islam) ; Fear and Dread In The Middle East (Peur et terreur au Moyen-Orient) ; Toward A More Independent Europe (Vers une Europe plus indépendante) ; Narcissistic Public Personalities & Our Times (Personnalités publiques narcissiques et notre époque). Il a publié des ouvrages chez Cambridge University Press (Nuclear Power and Non-Proliferation, Énergie nucléaire et non-prolifération), au Center For International Affairs de l’université Harvard (The Politics of International Monetary Reform, La politique de la réforme monétaire internationale) et à la Brookings Institution (Reconcilable Differences, US-French Relations In The New Era, Différences conciliables, relations franco-américaines dans la nouvelle ère).