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Mike Whitney

En ne défendant pas le Qatar, son allié, contre les frappes aériennes israéliennes du 9 septembre, Trump a incité les dirigeants du Moyen-Orient à reconsidérer leurs accords de sécurité avec les États-Unis, dont les limites ont été clairement exposées lors des récents événements. Les dirigeants arabes et musulmans savent désormais que les États-Unis ne défendront pas leurs alliés s’ils sont en conflit avec le projet expansionniste d’Israël de créer un Grand Israël — les États-Unis n’ont même pas activé leurs systèmes de défense aérienne en réponse à l’attaque israélienne. Le rôle des États-Unis en tant que garant de la sécurité régionale commence donc à vaciller, tandis que les prémices d’une OTAN arabo-musulmane dotée de l’arme nucléaire commencent à prendre forme. En résumé, le soutien inconditionnel de Trump à Israël provoque une remise en cause des fondements de la sécurité mondiale d’après-guerre, qui reposaient sur le pétrodollar, le réinvestissement des recettes pétrolières dans des titres de créance américains et l’hégémonie des États-Unis en tant que seule superpuissance mondiale. La présidence de Trump marque un tournant majeur dans cette dynamique.

Le 18 septembre, le monde a assisté à la naissance de ce qui pourrait remodeler fondamentalement la dynamique du pouvoir mondial pour les prochaines décennies. À Riyad, l’Arabie saoudite et le Pakistan ont signé un pacte de défense mutuelle qui va bien au-delà des rituels diplomatiques ordinaires.

– Le prince héritier saoudien, Muhammad bin Salman, a échangé une accolade avec le Premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif, après avoir signé ce qui ne peut être décrit que comme un pacte de défense mutuelle qui va changer la donne.

– Il s’agit d’un traité officiel stipulant explicitement que toute attaque contre l’Arabie saoudite ou le Pakistan sera considérée comme une attaque contre les deux nations. L’arsenal nucléaire du Pakistan compte environ 165 à 170 ogives. L’Arabie saoudite dispose des plus grandes réserves de pétrole et a constitué l’un des arsenaux les plus perfectionnés du Moyen-Orient.

En signant ce pacte de défense mutuelle, ces deux nations s’engagent à considérer une attaque contre l’une d’elles comme une attaque contre les deux, un accord loin d’être purement symbolique. Il s’agit des prémices de ce qui pourrait bien devenir une OTAN arabo-musulmane, une alliance défensive appelée à redéfinir l’équilibre des pouvoirs non seulement au Moyen-Orient, mais aussi à l’échelle mondiale.

Et le timing est essentiel. Ce pacte a été conclu peu de temps après l’offensive israélienne contre les dirigeants du Hamas au Qatar. Cette attaque a provoqué un émoi considérable dans les États du Golfe, leur rappelant que leur allié américain n’est peut-être pas aussi fiable que prévu.

Pendant des décennies, les États du Golfe ont compté sur les garanties de sécurité, les bases militaires et la protection des États-Unis. Mais lorsque le soutien inconditionnel des États-Unis à Israël met ces alliés en danger, le vent tourne. Ce pacte de défense entre l’Arabie saoudite et le Pakistan ne s’est pas conclu dans le vide. Il intervient alors que les États du Golfe s’interrogent plus que jamais sur la fiabilité de Washington en cas de crise, et alors que Washington oppose veto sur veto à un cessez-le-feu après l’autre à Gaza, alors que les populations des États du Golfe sont de plus en plus indignées par les souffrances infligées aux Palestiniens. Ce pacte survient alors que les États du Golfe prennent conscience que la politique de Washington au Moyen-Orient n’est pas motivée par la stabilité régionale, mais par des considérations internes privilégiant systématiquement Israël.

– L’Arabie saoudite ne se contente pas d’allier sa puissance militaire à celle du Pakistan ; elle accède également à son écosystème de technologie nucléaire. Telle est la nouvelle réalité stratégique qui s’impose à tous les acteurs de la région.

– On se demande si, pour servir les intérêts israéliens, les États-Unis sont prêts à sacrifier des vies palestiniennes, mais aussi des vies saoudiennes ou pakistanaises. C’est la raison pour laquelle des accords de sécurité sont essentiels, indépendamment de la bonne volonté des États-Unis ou de l’alignement de leurs intérêts. (Par ailleurs, la Chine s’impose peu à peu comme le leader moral du nouvel ordre multipolaire, reléguant désormais les États-Unis au second plan. La Chine est en effet devenue l’alternative à l’hégémonie américaine).

– Les implications sont stupéfiantes. Les capacités nucléaires du Pakistan, combinées aux ressources financières et à l’influence régionale de l’Arabie saoudite, constituent un bloc de pouvoir indépendant de la supervision ou du contrôle des États-Unis. Ajoutez à cela les partenariats potentiels avec d’autres nations musulmanes tout aussi exaspérées par la politique américaine, et le résultat est un bloc représentant plus d’un milliard de musulmans dotés de considérables capacités militaires, de ressources économiques et d’une portée géo-stratégique majeure.

Le pacte de défense entre l’Arabie saoudite et le Pakistan confirme que dans un monde où les États-Unis défendent avant tout les intérêts d’Israël, les nations musulmanes s’organisent pour assurer leur sécurité.

– Telle est la réalité du déclin : plutôt qu’un effondrement soudain, un isolement progressif, une influence décroissante, des alliés jouant la carte de la prudence, l’émergence d’autres centres de pouvoir pour combler le vide créé par les choix politiques des États-Unis. Lorsque l’Arabie saoudite s’allie aux capacités nucléaires du Pakistan, l’équilibre stratégique de la région est bouleversé du jour au lendemain.

– Ce pacte de défense constitue la déclaration d’indépendance de l’Arabie saoudite vis-à-vis des garanties de sécurité américaines, jugées trop peu fiables. C’est l’occasion pour le Pakistan d’étendre son influence stratégique au-delà de l’Asie du Sud. Mais c’est surtout l’amorce de ce que les agences de renseignement décrivent aujourd’hui comme une OTAN musulmane, une alliance défensive qui pourrait à terme inclure la Turquie, l’Iran, la Malaisie, l’Indonésie et d’autres nations à majorité musulmane échaudées par les deux poids, deux mesures américains.

– Les nations musulmanes développent des capacités nationales, mutualisent leurs technologies et créent des partenariats de défense indépendants des intérêts américains. Le rôle de la Chine dans ces arrangements alternatifs ne saurait être sous-estimé. Pékin a en effet mis en place des infrastructures économiques, des systèmes financiers et des relations commerciales qui permettent à ces nations d’opérer indépendamment des institutions internationales dominées par les États-Unis.

Lorsque des pays musulmans comme l’Arabie saoudite et le Pakistan concluent de tels partenariats, ils participent à l’émergence d’un nouvel ordre mondial multipolaire où les intérêts américains passent au second plan. C’est le monde que la politique américaine à Gaza a engendré, c’est l’avenir que six veto à l’ONU ont scellé, c’est le prix du soutien inconditionnel à Israël, non seulement en termes de vies palestiniennes, mais aussi d’influence, d’alliances et de capacité des États-Unis à influencer les événements internationaux.

L’OTAN musulmane vise moins à contrer la puissance américaine qu’à répondre à la faillite morale et à l’isolement diplomatique grandissant des États-Unis.

Les Américains ont-ils conscience des dégâts colossaux des politiques de Trump ? Vu ses exploits des dix derniers mois, dire qu’il joue les agents israéliens ne choque pas, même si l’idée fait débat.

Voici une vidéo d’une minute résumant l’émergence de l’OTAN arabe :

The Unz Review