Trois semaines après sa nomination, le nouveau Premier ministre n’a toujours pas nommé de gouvernement, ni présenté de projet de budget clair.

Laure de Charette

(FILES) Newly appointed France�s Prime Minister Sebastien Lecornu visits the departmental health center in Macon, central eastern France, on september 13, 2025. Matignon has proposed a meeting with Sebastien Lecornu on September 20, 2025 at 10 am to the eight trade unions that issued an ultimatum to the Prime Minister on September 19, 2025, according to trade union sources on September 20, 2025. (Photo by JEFF PACHOUD / AFP)
Sébastien Lecornu reste en quête d’un gouvernement. ©AFP

Soufflera-t-on bientôt « tout ça pour ça »… ? Nommé le 9 septembre, Sébastien Lecornu, macroniste de la première heure, n’a toujours pas composé de gouvernement. L’annonce -d’abord promise pour « avant le début des travaux parlementaires » prévu le 1er octobre- pourrait finalement se faire, selon Le Parisien, au plus tôt ce jeudi 2 octobre soir, au plus tard ce dimanche 5. Dans tous les cas, la nouvelle équipe devrait beaucoup ressembler à feu celle de François Bayrou. On prend les mêmes et on recommence ?

Interrogé par plusieurs quotidiens régionaux le 13 septembre, Sébastien Lecornu avait déclaré : « Je veux d’abord que les formations politiques s’accordent sur le « quoi » avant le « qui » ». Il faut croire que la perspective d’un accord tarde à se concrétiser. Sébastien Lecornu temporise, calcule, patine. Comme son mentor Emmanuel Macron, qui avait laissé filer 52 jours avant de placer Michel Barnier à Matignon. On connaît la suite : une chute retentissante à peine trois mois plus tard.

Peut-être le nouveau Premier ministre attend-il de voir comment l’Assemblée va renouveler ces 1er et 2 octobre plusieurs postes clefs, dont le Bureau, sa plus haute instance exécutive, afin d’en savoir plus sur l’état de l’alliance entre LR et les macronistes. Peut-être aussi veut-il prendre à nouveau la température du pays ce 2 octobre, sa troisième journée de mobilisation après le mouvement « Bloquons tout » du 10 septembre et la grève du 18.

« On n’a pas très bien compris »

Le flou demeure également sur la date précise à laquelle le nouveau Premier ministre fera sa déclaration de politique générale, a priori la semaine prochaine. En attendant, Sébastien Lecornu, dont on a appris cette semaine grâce à Mediapart qu’il n’a pas obtenu -contrairement à ses dires- le diplôme de master 2 de droit, a continué ses consultations, rencontres et autres rendez-vous au sommet.

Le 30 septembre, il a revu les chefs de parti et de groupe parlementaire du socle commun. Mais rien de majeur n’en est sorti. Tout juste a-t-il déclaré que son futur gouvernement ferait des « propositions » de baisse d’impôts « notamment en faveur du travail ». Et hier, 1er octobre, il a annoncé aux syndicats une mesure en faveur de la retraite des mères de famille dans le budget de la Sécu 2026.

Ce 3 octobre, Sébastien Lecornu doit rencontrer les socialistes, représentés par Olivier Faure. Ce dernier lui a réclamé « une copie complète » de son projet de budget pour 2026 car « pour l’instant, on n’a pas très bien compris ce que le Premier ministre était prêt à faire ».

Rendez-vous de la dernière chance

Le premier secrétaire du parti présente cette rencontre comme le rendez-vous de la dernière chance : « Si rien ne change, le résultat est déjà connu. Il y aura une censure et donc ce gouvernement tombera ».

Derrière les formules, les socialistes agitent leurs revendications : taxation des patrimoines, suspension de la réforme des retraites, révision à la baisse du plan d’économies de 44 milliards d’euros. Mais la menace de censure s’accompagne d’une crainte : celle d’apparaître comme les fossoyeurs de la stabilité, ou, à l’inverse, de se compromettre en soutenant un Premier ministre trop chiche en concessions.

Dans cette cacophonie, le Rassemblement national joue sa partition. Réclamant depuis des semaines une dissolution, il s’était déclaré prêt à censurer le gouvernement Lecornu. Trop vite, sans doute.

Mis à l’écart des négociations, le RN a laissé les socialistes s’installer au centre du jeu. D’où le revirement, exprimé par le député Jean-Philippe Tanguy : son parti ne censurera pas le gouvernement de Sébastien Lecornu si le budget contient « des baisses d’impôts sur les classes moyennes et populaires, […] sur ceux qui travaillent ».

Une suractivité tactique

Tout cela donne surtout le sentiment navrant que les responsables politiques de tous bords s’adonnent à une suractivité tactique, court-termiste, comme pour mieux masquer l’absence d’une vision stratégique. Loin, bien loin des préoccupations des Français… Chaque parti se berce de l’illusion qu’une hypothétique dissolution lui serait favorable. Chacun, déjà, s’imagine gagnant du scrutin.

Or, il y aurait fatalement des perdants. Ainsi le PS fait mine d’oublier que dans les deux législatives partielles survenues la semaine dernière, il a été éliminé au premier tour avec un score presque deux fois inférieur à celui des Insoumis dans une circonscription, et a perdu six points au second tour par rapport à 2024 dans l’autre…

La balle est donc dans le camp de Macron-Lecornu. Mais comment Emmanuel Macron, happé par ses obligations internationales, s’imagine-t-il pouvoir durer sans céder ?

La Libre