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Le projet impérial visant à officialiser l’occupation sous gestion internationale par le biais d’une autorité de transition ancrerait un contrôle colonial permanent, approfondirait les divisions et garantirait la soumission de Gaza.
Dennis Kucinich et Elizabeth Kucinich

Gaza est un territoire occupé. Ses frontières, son espace aérien, ses importations, ses exportations et même ses calories sont contrôlés par Israël et ses soutiens occidentaux. Gaza n’a pas besoin d’un autre drapeau flottant au-dessus de ses ruines ; elle a besoin du droit de se reconstruire selon ses propres conditions.
Le mirage de la « transition »
Les gouvernements occidentaux préparent un plan pour l’administration d’après-guerre à Gaza. La proposition, avancée grâce à une coordination discrète entre Washington, Londres et Jérusalem, prévoit la création d’un nouvel organisme international appelé « Autorité internationale de transition pour Gaza » chargé de gouverner le territoire pendant plusieurs années après le conflit. Ce concept, présenté comme un effort de stabilisation, s’inspirerait des missions étrangères menées précédemment au Kosovo et au Liban.
Au cœur de ce « plan » se trouve la suggestion risible que l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair dirige cette autorité, supervisant la reconstruction, le maintien de l’ordre et la gouvernance de Gaza au nom de la communauté internationale autoproclamée.
Blair, gouverneur de Gaza. « Quoi ?! »
Tony Blair, alors Premier ministre britannique, a fourni à George W. Bush une couverture politique pour l’invasion de l’Irak, qui a entraîné la mort de plus d’un million d’Irakiens. Le 23 juillet 2002, comme le rapporte le tristement célèbre mémo de Downing Street, le gouvernement de Blair a examiné les arguments en faveur de la guerre et a conclu que « les renseignements et les faits [américains] étaient manipulés pour servir la politique ». En d’autres termes, le président Bush mentait en affirmant que l’Irak représentait une menace.
Le gouvernement britannique, dirigé par Blair, savait que Bush mentait. Tony Blair a donné une légitimité particulière à ce mensonge. L’attaque américaine contre l’Irak a commencé sept mois plus tard.
La dévotion servile de Blair à la version occidentale, aussi corrompue soit-elle, le qualifie bien pour diriger une Autorité internationale de transition à Gaza, un organe provisoire qui gouvernerait Gaza pendant plusieurs années avant de remettre le pouvoir à une Autorité palestinienne restructurée.
Il s’agit là d’un projet impérialiste par définition, qui permettrait d’ancrer un contrôle permanent, d’approfondir les divisions et de garantir la soumission de Gaza. Quelle surprise.
L’arrivée de Tony Blair en tant qu’envoyé de paix illustre l’inversion grotesque de la réalité, où un architecte de la guerre devient un modèle de paix pour un peuple qui a subi les ravages du génocide aux mains des intérêts occidentaux que Blair continue de servir.
Des rapports plus récents indiquent que le président Trump ou des représentants alignés sur Trump participeront également à cette simulation de gouvernance, mais je pense que les implications sinistres d’une telle entreprise donneront à réfléchir à la Maison Blanche et encourageront encore plus la nomination de Blair au poste de gouverneur de l’occupation de Gaza, présentée comme une réforme.
La devise appropriée de cette cynique refonte de la domination coloniale par les mêmes puissances qui ont dessiné la carte du Moyen-Orient devrait être : « Ce qui est brisé reste brisé ». Dans ces conditions, l’impérialisme sous couvert d’humanitarisme devient la guerre sous couvert de paix.
Qui mieux que Blair, qui, en tant qu’envoyé du Quartet pour le Moyen-Orient (composé des États-Unis, de l’Union européenne, des Nations unies et de la Russie) de 2007 à 2015, a servi uniquement les intérêts d’Israël, pourrait maintenir ce système misérable en place ?
Kosovo : une occupation déguisée en libération
Examinons de plus près la proposition de Blair et de ses partisans, qui présentent le Kosovo et le Liban comme des exemples de ce qu’ils proposent de faire à Gaza, démontrant ainsi que l’administration internationale peut produire une démocratie libérale.
Selon eux, l’intervention de l’OTAN en 1999 a été un triomphe. Les forces de Milosevic ont été expulsées, les Nations unies ont pris le contrôle et un État stable a finalement vu le jour.
Mais l’histoire raconte une autre histoire. Sous la Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo, les responsables étrangers ont pris le contrôle total des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.
Les dirigeants locaux ont été réduits à un rôle consultatif. Au début, cela a été accepté comme une libération. En l’espace de cinq ans, il est apparu clairement qu’il ne s’agissait pas d’une libération, mais d’une occupation.
Des émeutes ont éclaté en 2004. L’expression « la MINUK équivaut à une gouvernance par les balles » résume bien la réalité d’un gouvernement irresponsable imposé sans consentement.
Aujourd’hui, le Kosovo subit une mise en œuvre encore plus rigide d’un modèle défaillant et erroné de fracture forcée et de gouvernance sectaire déguisée en paix et en démocratie. C’est un endroit où les puissances occidentales célèbrent l’illusion de la stabilité tout en maintenant la réalité de la dépendance. Le modèle du Kosovo, qui a institutionnalisé l’occupation sous gestion internationale, est proposé pour Gaza.
Liban : l’architecture de la division
Le Kosovo et le Liban ont tous deux été construits sur le même principe impérialiste : les peuples divisés sont plus faciles à contrôler que les peuples unis.
Le modèle libanais a ancré le sectarisme colonial sous un déguisement local. Sous le mandat français qui a débuté en 1920, le Liban est devenu un terrain d’essai pour ce que l’Occident appelle encore aujourd’hui le partage du pouvoir. La France a redessiné les frontières pour créer un État à majorité chrétienne sous la direction des maronites et a inscrit l’identité sectaire dans la constitution.
Le Pacte national de 1943 a ensuite codifié cet arrangement, garantissant à chaque communauté religieuse le contrôle fixe des plus hautes fonctions : la présidence à un chrétien maronite, le poste de Premier ministre à un musulman sunnite et la présidence du Parlement à un musulman chiite.
Ce qui semblait être un équilibre était en réalité un système de division permanente. Cette structure n’est pas issue de la culture libanaise. Elle est née de la stratégie coloniale française, conçue pour préserver son influence en maintenant le pays fragmenté en interne.
Au fil du temps, le sectarisme est devenu non pas le reflet de la société, mais son architecture. Le clientélisme, la corruption et la loi des milices ont suivi. Chaque communauté est devenue un fief, chaque ministère une récompense pour l’élite d’une secte.
Lorsque la guerre civile a éclaté au Liban en 1975, les lignes de fracture avaient déjà été tracées par cet héritage colonial. La guerre était l’aboutissement logique d’un système qui définissait les citoyens d’abord par leur confession, puis par leur allégeance. Même l’accord de Taëf de 1989, qui a mis fin à la guerre, s’est contenté de recalibrer les quotas. Il n’a pas supprimé l’échafaudage sectaire qui garantissait la paralysie.
Le résultat est une nation où la gouvernance elle-même est paralysée, où la corruption, les inégalités et la dépendance se font passer pour de la coexistence.
Le fait que le Liban soit désormais invoqué comme un modèle pour Gaza, que la fragilité artificielle soit présentée comme une harmonie multiculturelle, que des négociations interminables soient vendues comme la paix, démontre que l’Occident ne sait rien du Liban et encore moins de Gaza.
L’histoire se répète à Gaza
Appliquer l’approche libanaise à Gaza revient à reproduire délibérément les conditions du conflit et à appeler cela reconstruction. C’est confondre division et diversité, asservissement et sécurité, occupation et ordre.
Gaza n’est pas un État défaillant qui a besoin d’être administré. C’est un territoire occupé. Ses frontières, son espace aérien, ses importations, ses exportations et même ses calories sont contrôlés par Israël et ses soutiens occidentaux. Elle vit sous le blocus et les bombardements depuis des années. Son économie et ses infrastructures sont systématiquement étranglées.
Une administration importée, armée, financée et dirigée par des étrangers n’apporterait aucun soulagement. Elle prolongerait le système actuel de contrôle colonial, en le formalisant sous une gestion internationale.
Une telle mission aboutirait au même résultat : une domination étrangère présentée comme une libération.
Gaza n’a pas besoin d’un autre drapeau flottant au-dessus de ses ruines ; elle a besoin du droit de se reconstruire selon ses propres conditions.
Leçons non apprises : de Sykes-Picot à Blair
Les diplomates occidentaux, gardiens du système qui a créé la crise, décrivent ces missions comme temporaires. Gaza sait ce que signifie « temporaire » : des décennies d’arrangements provisoires qui ne prennent jamais fin, des points de contrôle qui ne ferment jamais et une occupation qui s’est transformée en permanence.
De l’accord Sykes-Picot à la déclaration Balfour, la Grande-Bretagne et ses alliés ont découpé le Moyen-Orient en États artificiels, installé des gouvernements sectaires et appelé cela l’ordre, créant ainsi les conditions pour le gouvernement sectaire d’Israël né de la partition et maintenu par la domination militaire.
La pensée fossilisée de Sykes-Picot et Balfour se perpétue à travers le prétexte éculé selon lequel l’Occident soi-disant civilisé doit superviser l’Orient instable, par le biais d’une mission coloniale insidieuse présentée comme un impératif du XXIe siècle.
L’histoire de deux dirigeants
Tony Blair et moi-même nous sommes retrouvés de part et d’autre de l’histoire.
Blair a utilisé sa fonction pour justifier l’invasion de l’Irak. J’ai utilisé ma position de membre de la Chambre des représentants des États-Unis pour tenter de l’empêcher.
Je n’étais pas chef d’État, mais j’ai utilisé tous les pouvoirs dont je disposais au sein du Congrès pour défier Bush et Blair, notamment en aidant à mobiliser des millions de personnes contre la guerre en Irak.
Ce contraste est important. Les mêmes gouvernements qui ont mené cette guerre sur la base de mensonges veulent maintenant confier à Tony Blair la responsabilité de Gaza, comme si le coauteur d’une tragédie pouvait administrer le remède à une autre.
Ce qu’exige une paix véritable
La tentative de gérer Gaza comme une province isolée sous administration internationale est la dernière étape d’un siècle de confinement colonial. Elle reflète la logique du mandat britannique : stabiliser par le contrôle, promettre l’indépendance tout en la refusant dans la pratique.
Il ne s’agit pas d’un conflit entre deux parties égales. Il s’agit d’une occupation prolongée soutenue par les armes et la diplomatie occidentales. Parler honnêtement de la paix au Moyen-Orient, c’est affronter cette réalité.
Une paix véritable ne peut se construire sur des partitions, des blocus et des gouvernements imposés de l’extérieur. Elle doit commencer par la reconnaissance de la souveraineté palestinienne, non pas comme une concession, mais comme un droit. Elle doit signifier la fin de l’occupation, le démantèlement des systèmes d’apartheid et le rétablissement de l’égalité devant la loi.
Tant que le monde ne sera pas prêt à affronter toute la vérité morale et historique de la Palestine, tout plan de transition ne sera qu’un autre nom pour désigner la domination de ce qui était autrefois une patrie unique et continue, réduite de manière concertée à des fragments isolés.
La terre de Palestine existe sous forme d’enclaves déconnectées, chacune entourée de postes de contrôle militaires, de murs et de colonies construits comme des instruments de contrôle, au mépris du droit international.
Gaza est coupée de la mer et de l’air. La Cisjordanie est divisée en zones d’occupation, chacune supervisée par les forces israéliennes et des colons illégaux. Jérusalem-Est est en train d’être effacée par l’étranglement bureaucratique et le déplacement de population. Ce qui reste de la Palestine est une mosaïque de prisons, résultat délibéré d’un système colonial violent qui bafoue l’autonomie gouvernementale.
Le gouvernement israélien, façonné par des politiques d’apartheid et d’expansion militarisée, a créé l’instabilité qu’il prétend aujourd’hui combattre. Il a normalisé la violence, déshumanisé des millions de personnes et anéanti tout espoir de paix.
Une autorité de transition à Gaza n’est pas destinée à changer cette réalité sous-jacente. La véritable transition, de l’occupation à la coexistence, de l’apartheid à l’égalité, doit commencer à l’intérieur d’Israël.
Dennis J. Kucinich a siégé pendant seize ans au Congrès américain et s’est présenté à deux reprises à l’élection présidentielle américaine sur un programme de paix, de vérité et d’intégrité constitutionnelle. Il a mené l’opposition à la guerre en Irak et a présenté des articles de mise en accusation contre le président George W. Bush et le vice-président Dick Cheney pour avoir trompé la nation et l’avoir entraînée dans la guerre.