Étiquettes

, ,

La procureure générale de l’État de New York, Letitia James, le 16 février 2024 Photo : Reuters / David Dee Delgado

Concrétisant un scénario qu’avait réclamé le président américain, le département de la Justice a inculpé jeudi la procureure générale de l’État de New York, Letitia James, qui avait poursuivi Donald Trump et son entreprise au civil.

La procureure démocrate a été inculpée sous deux chefs d’accusation qu’a retenus un grand jury de Virginie : fraude bancaire et fausses déclarations.

C’est la deuxième personne directement ciblée par le président américain à faire face à des accusations en autant de semaines, après l’ancien directeur du FBI James Comey

Tout comme ce dernier l’avait fait le jour de son inculpation, Mme James a rapidement dénoncé une vengeance politique.

Cela n’est rien d’autre qu’une nouvelle manifestation de la politisation désespérée de notre système judiciaire par le président, a-t-elle affirmé dans un message vidéo publié sur les réseaux sociaux.

L’acte d’accusation lui reproche d’avoir violé son contrat hypothécaire en utilisant une maison de Norfolk, en Virginie, comme propriété locative à des fins d’investissement après l’avoir déclarée dans des documents bancaires comme résidence secondaire, ce qui lui aurait permis d’obtenir des conditions de prêt avantageuses.

Ces accusations sont sans fondement, a-t-elle martelé, dénonçant une violation de l’ordre constitutionnel et une perversion du système judiciaire. Je n’ai pas peur. Je suis sans peur, a-t-elle ajouté.

Les propres déclarations publiques du président montrent clairement que son seul objectif est la vengeance politique, à tout prix.

Il y a près de trois semaines, le président avait ouvertement interpellé la procureure générale, Pam Bondi, pour réclamer des poursuites contre Leticia [sic], James Comey et le sénateur démocrate Adam Schiff. Ils sont clairement coupables, tranchait-il.

Letitia James avait lancé des poursuites civiles contre Donald Trump, certains de ses enfants et la Trump Organization pour une série de fraudes financières, réussissant à obtenir une condamnation. Donald Trump avait initialement écopé d’une amende de plus de 350 millions de dollars américains, qui avait ensuite culminé à près d’un demi-milliard avec les intérêts avant d’être annulée en cour d’appel, en août dernier.

Des élus aux procureurs généraux d’autres États en passant par le candidat à la mairie new-yorkaise Zohran Mamdani, plusieurs démocrates ont condamné vivement la mise en accusation de Mme James.

Le leader de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, qui représente un district new-yorkais, a ainsi dénoncé la manière corrompue dont Donald Trump instrumentalise le système de la justice criminelle contre quiconque a cherché à le tenir responsable de ses actes.

Donald Trump continue de déshonorer la présidence et le département de la Justice, a-t-il dénoncé dans un communiqué, fustigeant ces laquais du président qui favorisent [ses] plans vengeurs.

Deux adversaires de Trump inculpés par une de ses alliées

Lindsey Halligan, qui tient des documents et un stylo, parle dans le bureau ovale.
De mars à septembre 2025, Lindsey Halligan a œuvré à la Maison-Blanche, où elle a notamment été mise en charge d’une initiative visant à imposer aux musées de la Smithsonian Institution une vision alignée sur celle de Donald Trump.Photo : Associated Press / Evan Vucci

C’est la même procureure – Lindsey Halligan, une alliée fidèle du président républicain, nommée par intérim à la tête du district est de Virginie – qui est à l’origine des accusations portées contre Letitia James et James Comey.

Personne n’est au-dessus de la loi. Les accusations portées dans cette affaire constituent des actes criminels intentionnels et d’énormes violations de la confiance du public, a-t-elle soutenu dans un communiqué, promettant de suivre les faits et la loi pour que justice soit rendue.

Selon le New York Times, c’est elle qui a présenté le dossier devant le grand jury, un fait hautement inhabituel qui s’était également produit dans l’enquête sur M. Comey. Ce sont habituellement les procureurs qui ont mené l’enquête qui plaident leur cause devant les grands jurys.

Lindsey Halligan, qui a fait partie des avocats personnels de Donald Trump, était jusqu’à tout récemment une de ses conseillères à la Maison-Blanche.

Mme Halligan, qui n’avait aucune expérience comme procureure, a hérité de son nouveau poste après que son prédécesseur eut été poussé vers la porte par le président.

Selon les sources de plusieurs médias américains, le procureur en question s’opposait à ce que des poursuites soient lancées contre Letitia James et James Comey, jugeant les éléments présentés trop faibles pour justifier des inculpations.

Une « liste d’ennemis »

L'ancien directeur du FBI James Comey, en 2017.
L’ancien directeur du FBI James Comey, en 2017 Photo : Getty Images / AFP / Brendan Smialowski

Les deux autres personnes spécifiquement nommées par le président américain dans sa publication du 20 septembre sont elles aussi liées à des enquêtes qui l’ont ciblé.

James Comey était à la tête du FBI lorsque l’agence avait ouvert son enquête sur l’ingérence de la Russie et les liens entre Moscou et l’équipe de Donald Trump lors de la campagne présidentielle de 2016.

Accusé de fausses déclarations devant le Congrès et d’entrave aux travaux du Congrès, M. Comey, un ancien procureur qui a par la suite été le numéro deux du département de la Justice américain, a plaidé non coupable des deux chefs d’accusation portés contre lui lors d’une audience, mercredi.

Adam Schiff, un ancien élu de la Chambre des représentants, était pour sa part responsable en chef de la mise en accusation lors du premier procès en destitution de Donald Trump.

Le sénateur californien, qui fait l’objet d’une enquête sous des allégations de fraude hypothécaire, a dénoncé une chasse aux ennemis politiques pire qu’à l’époque du Watergate.

L’ancien président républicain [Richard] Nixon avait sa liste d’ennemis. Mais jamais nous n’avions vu le département [de la Justice] utilisé de façon aussi brutale, antidémocratique et corrompue que sous Donald Trump, a-t-il réagi dans un communiqué publié jeudi.

D’autres bêtes noires du président américain se retrouvent à des degrés divers dans le collimateur de la justice américaine, comme Fani Willis, procureure d’un district de Georgie qui l’avait poursuivi au criminel, John Bolton, l’un de ses anciens conseillers à la sécurité nationale, ainsi que John Brennan, ancien directeur de la CIA.

Radio Canada Avec les informations de New York Times