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Ibrahim Al-Amine

(AFP)

Le débat sans fin sur ce qui s’est passé à Gaza et en Palestine il y a deux ans restera bloqué sur un point : qui a gagné et qui a perdu ?

Il est inutile de se lancer dans un débat stérile avec ceux qui affirment qu’Israël a atteint ses objectifs. Les partisans de cette opinion mesurent les choses en fonction des résultats directs, même s’ils falsifient les faits sur ce point. Pour eux, tout débat repose sur la capacité à obtenir des résultats. Et pour eux, la capacité ne réside pas dans les sacrifices que l’on est prêt à consentir dans une lutte pour se libérer de l’occupation et du colonialisme, mais dans la capacité à supporter les dommages infligés par l’adversaire.

Comme tout être humain qui craint de perdre son argent, son temps, son bien-être et sa stabilité, leur instrument de mesure les conduit à une seule conclusion : Israël a tué plus de 75 000 Palestiniens, détruit 85 % des installations civiles dans la bande de Gaza, causé des souffrances à plus de 150 000 blessés et laissé des dizaines de milliers d’orphelins et de personnes démunies. Par conséquent, leur calculatrice les amène immédiatement à considérer qu’Israël a gagné la guerre. C’est un exercice qui existe depuis le début du conflit avec Israël.

Au Liban, nous avons fait l’expérience de ce même calcul il y a un an, lorsque certains ont considéré que la victoire d’Israël se traduisait par l’assassinat des chefs de la résistance d’une part, et de plus de 5 000 combattants et civils d’autre part, ainsi que par la destruction de dizaines de milliers d’installations, puis par l’obtention du droit d’agir librement contre tout ce qu’il considère comme une menace dans tout le Liban.

Mais ces personnes ont-elles songé un seul instant à examiner la question sous un angle qui n’est pas très différent du leur, en se posant la question suivante : qu’est-ce qu’Israël voulait obtenir de cette guerre, et qu’a-t-il réellement obtenu ?

Ce serait un miracle si nous entendions ceux qui affirment la victoire d’Israël participer à un débat sur ce qu’Israël a réellement obtenu de cette guerre. C’est pourquoi le débat avec ces personnes est vain.

En revanche, la résistance à Gaza et ses partisans dans la région seront confrontés à un défi majeur : présenter un récit complet de ce qui s’est passé. Ce récit est nécessaire, non seulement pour empêcher la falsification de l’histoire, mais aussi parce qu’il servira de base pour agir dans la phase suivante. En effet, la question du lendemain pour les Palestiniens est désormais sur la table, et des préparatifs inhabituels sont en cours, d’une part de la part des Américains et des Israéliens, et d’autre part de la part des ennemis de la résistance parmi les Arabes et les musulmans, pour ouvrir un nouveau front contre la résistance en Palestine. Tous se préparent à lancer une campagne politique, médiatique et mobilisatrice visant à faire porter à la résistance la responsabilité de tout ce qui s’est passé.

L’objectif n’est pas de rendre les forces de la résistance et leurs hommes responsables, mais d’essayer de les exposer à l’isolement et à l’exclusion, en vue de construire une nouvelle autorité qui considère que la résistance est un acte insensé et déraisonnable, et que l’avenir palestinien doit être subordonné à des politiques fondées sur la reconnaissance que le dernier mot revient à la puissance capable. C’est ainsi que ces derniers justifient leur lâcheté et leur soumission aux politiques américaines.

C’est pourquoi nous devons, dès maintenant, nous préparer à affronter une situation qui ne sera pas moins dure que la guerre militaire. Sachant que les crimes de l’ennemi ne cesseront pas et que toutes les garanties qui ont été données n’empêchent en rien l’ennemi de poursuivre ses opérations de meurtre et de destruction, comme il le fait actuellement au Liban et en Syrie, et qu’il le fera, trouvant à ses côtés des alliés qui tiendront la résistance pour responsable de tout ce qui pourrait arriver… N’est-ce pas ce qu’ils font au Liban, lorsqu’ils considèrent que les crimes de l’ennemi sont dus d’abord à la résistance de la résistance à sa position, et ensuite à ses armes ?

Les ennemis de la résistance poursuivront leur guerre, leur objectif étant de rendre la résistance responsable de la guerre et de chercher à nouveau à imposer une autorité au service de l’occupation.

D’après ce qui se profile jusqu’à présent, les États-Unis et Israël attendent un programme mené par une alliance arabo-islamique, liée aux forces de la résistance en Palestine, afin d’accomplir la tâche que l’ennemi n’a pas accomplie. Il s’agit, d’une part, de détruire la structure militaire du Hamas et, d’autre part, de faire pression sur lui afin qu’il apporte des modifications fondamentales à son projet politique, voire, si possible, de diviser ses rangs. Toutes les armes seront utilisées dans cette bataille. Mais le principal facteur sur lequel mise le camp hostile à la résistance est de monter l’opinion publique palestinienne, et en particulier celle de Gaza, contre la résistance, et d’essayer d’élargir le cercle des voix opposées au mouvement Hamas, ou celles qui se sont constituées sous la forme de groupes de gangs qui font commerce des besoins des gens en nourriture et en logement.

Avec le temps, nous entendrons parler de programmes d’aide spéciaux, mais ceux-ci seront soumis à de nombreuses conditions, notamment que le Hamas n’ait aucun rôle dans leur gestion et qu’ils soient pris en charge par des personnes ou des entités qui ne soient soumises à aucune influence du Hamas ou des forces de la résistance. Les premiers indices concernant le fonctionnement des gangs formés par Israël à l’aide d’agents et de mercenaires pourraient se confirmer avec le temps. Le danger réside dans le fait que l’ennemi fournit des armes à ces gangs et les incite à imposer la loi par la force, en leur promettant l’aide sécuritaire et militaire d’Israël en cas de besoin. Cela signifie qu’Israël s’efforcera de « neutraliser » tous ceux que ces bandes considèrent comme un obstacle à leur expansion.

Dans ce contexte, les ennemis de la résistance parmi les Palestiniens et les Arabes préparent un programme d’action visant à diaboliser la résistance et à la rendre responsable de tout ce qui s’est passé. L’objectif n’est pas seulement de perturber la situation palestinienne à Gaza, mais aussi d’effacer toute trace de l’opération « Tufan al-Aqsa » d’une part, et de transformer les résistants, qu’ils soient vivants ou morts, en criminels qui ont mis en danger la vie du peuple palestinien, sans oublier, bien sûr, d’accuser l’Iran et le Hezbollah d’être derrière eux.

Jusqu’à présent, les dirigeants des forces de résistance à Gaza, en particulier le Hamas, vivent dans ce climat. Ils en sont bien conscients. Les contacts qu’elle a eus avant et après l’agression contre Doha lui ont permis de se faire une idée du type de pressions auxquelles elle sera soumise. Ces pressions se sont intensifiées après le raid sur Doha, puis ont pris une forme plus inquiétante après la rencontre entre le président américain Donald Trump et les dirigeants et responsables arabes et musulmans à New York, où il a présenté son plan. Il convient de noter que des responsables turcs, égyptiens et qataris ont informé la direction du Hamas que le plan annoncé par Trump après sa rencontre avec le Premier ministre ennemi Benjamin Netanyahu comportait des changements importants par rapport au plan qu’ils avaient approuvé lors de la réunion de New York.

Néanmoins, ces pays ont fait pression sur le Hamas et les forces de résistance pour qu’ils acceptent le projet et le mettent en œuvre, même si leur accord était assorti de remarques et de demandes. Même la partie américaine n’était pas intéressée par les remarques formulées par Hamas. Trump a déclaré qu’il voulait entendre un « oui » de la part de Hamas, sans se soucier des objections éventuelles si Hamas ajoutait un « mais » à son « oui ». Il a décidé de prendre la parole en premier et d’ouvrir la porte à un débat sans fin sur les remarques de Hamas.

Dans la pratique, ce qui devait arriver arriva. Tout le monde sait que Hamas, qui a accepté le plan, n’en a accepté qu’une partie. Mais en contrepartie, elle a obtenu la reconnaissance américaine, européenne, israélienne et arabe de l’échec des principaux objectifs de l’agression, à savoir le déplacement des habitants de Gaza, et elle a obtenu le droit de rester sur ses terres, de ne pas être expulsée et de pouvoir mettre en place un programme de reconstruction, même si cela prend beaucoup de temps.

Concrètement, il restait aux forces de la résistance à préparer leur propre programme, loin des revendications et des rêves de tous leurs ennemis. Elles devaient réussir à mettre en place un mécanisme politique, administratif et sécuritaire pour gérer le secteur dans la phase à venir. Il fallait donner aux gens la possibilité de retrouver une partie de leur vie normale et leur permettre d’obtenir ce qui les aiderait à survivre…

L’important, même si les ennemis disent tout ce qu’ils disent, c’est que le monde entier, sous la houlette des États-Unis, sait que la guerre n’est pas terminée (grâce à eux actuellement) sans accord avec le Hamas, et que l’exigence de capitulation est restée une illusion et le restera tant que l’occupation sera en place.

Israël n’a pas gagné à Gaza !

Al Akhbar