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un avion de combat McDonnell Douglas F-15 Eagle survolant le ciel de Beyrouth à basse altitude, fin septembre 2024.

Pendant les dix derniers mois, les États-Unis ont eu tout le temps d’observer de très près l’organisation, les structures de commandement, les systèmes de communication et les lignes logistiques du Hezbollah libanais. C’est la raison pour laquelle ils l’ont laissé harceler Israël quotidiennement durant tous ces mois sans qu’Israël ne réagisse. Cette retenue inhabituelle de l’État hébreu avait été expliquée par la non disponibilité de ressources militaires, mobilisées par la guerre dans la bande de Gaza mais il semble plus que probable que c’est sur injonction de Washington afin d’avoir tout le temps d’identifier ses modes opératoires et surtout son fonctionnement, son organigramme et ses modes de communication. Dès qu’ils ont eu tous les paramètres, ils ont d’abord utilisé une attaque disruptive de type T pour tenter de décimer ses cadres inférieurs et intermédiaires. Puis, assez vite, exploitant la confusion créée par cette attaque inédite menée en dévoilant une des cartes cachées de l’empire, ils ont décapité son commandement alors qu’il avait pris toutes les mesures de sécurité possibles en se basant sur la compromission des moyens de communication. L’élimination de l’état-major de la force d’élite du Hezbollah l’a forcé à étendre la portée de ses attaques de roquettes mais son commandant de la force balistique, la force la plus importants du parti libanais, fut assez promptement ciblé. Washington essaie maintenant d’éliminer son secrétaire général. Bien évidemment, tout est attribué à Israël seul pour des raisons de rétablissement de sa capacité de dissuasion, anéantie après le 07/10/2023.

Ce qui précède est presque inédit dans l’histoire tumultueuse des rapports de forces au Levant ces vingt dernières années et notamment depuis la guerre de 2006 où les forces armées israéliennes ont été mises en échec par un parti politico-militaire né de l’invasion israélienne du Liban en 1982. Il annonce un nouveau formatage du Moyen-Orient par les États-Unis qui ont non seulement réussi à réduire l’influence russe à son expression syrienne occidentale mais à altérer l’ensemble de la tectonique régionale en occupant l’espace stratégique reliant l’Iran au Liban via la Syrie en investissant l’Irak, l’est, le nord et le Sud-ouest de la Syrie, la Jordanie et déployé des ressources militaires assez importantes en Méditerranée orientale et en mer rouge.

Le Hezbollah libanais a t-il été surpris dans son fief par une approche nouvelle et irrésistible après des années de guerre hybride visant l’affaiblissement puis l’effondrement de l’économie libanaise afin de l’abattre ? Certainement. La guérilla la plus structurée de la planète survivra t-elle à cet assaut d’un type inconnu auparavant? Certainement même si néanmoins le Hezbollah libanais ne sera plus le même et aura moults difficultés à s’adapter dans un environnement où il sera en position d’infériorité dans un pays composé d’une véritable mosaïque ethnique, confessionnelle, idéologique et partisane.

Le Liban est un pays sans forces armées. La faille du Hezbollah libanais est l’absence totale de système, même rudimentaire, de défense aerienne. Cette lacune a été payée très cher par le Hezbollah libanais. La domination aérienne d’Israël et celle de ses alliés dans l’espace aérien libanais est totale et sans aucune opposition, même symbolique. La banlieue Sud de Beyrouth, la capitale du Liban, bastion historique du Hezbollah libanais, est bombardée à une douzaine de reprises successives sans qu’aucune DCA, missile SAM portatif ou tir d’armes légères ou semi-lourdes dirigés vers le ciel ne sont signalés. C’est donc un schéma connu et déjà vu: un bombardement aérien en toute immunité et sans crainte d’interdiction aérienne puisque la cible ne fait qu’encaisser et compter sur la résilience des populations qui subissent de plein fouet ces bombardements utilisant toutes les munitions les plus destructives.

Il est très peu probable qu’une éventuelle disparition du Secrétaire général du Hezbollah libanais entraîne un démantèlement de ce parti. Historiquement, tous les mouvements armés résistant contre le sionisme militariste ont remplacé leurs chefs et leaders morts par d’autres leaders plus déterminés à continuer le combat. C’est une constante absolue du conflit israélo-arabe depuis 1947.

Washington voulait ouvrir la route de Beyrouth mais cette route n’est pas aisée, même une fois in situ. En 1982, Israël avait envahi Beyrouth et provoqué l’émergence du Hezbollah libanais ainsi que d’autres forces antagonistes à une entité qui ne cesse de bombarder, de provoquer des troubles et des guerres, d’envahir et de menacer son environnement géopolitique immédiat. Le Hezbollah de Nassrallah est peut être en phase finale avec la mort de tous ses pionniers et ses bâtisseurs. Un autre Hezbollah, nouveau, est en gestation. Dans tous les cas de figure, le nouveau Hezbollah s’inspirera plus des Houthis du Yémen et ne comptera plus sur l’Iran, pays neutralisé par les menaces d’une intervention totale et massive de Washington. La Syrie sera la seule profondeur et le principal soutien du Hezbollah comme ce fut le cas de par le passé récent. Une éventuelle chute de la Syrie par la combinaison hybride dont les éléments sont déjà présents en territoire syrien (enclaves rebelles, 22 points d’occupation US, zones d’influence US, GB, turque et autres, constituera un coup fatal pour le Hezbollah mais ce dernier ne disparaîtra pas. Il donnera lieu à un autre mouvement qui s’adaptera tant bien que mal à la nouvelle donne.

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