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Moscou met en garde contre la fragilité du plan de Trump visant à instaurer un cessez-le-feu à Gaza et s’en tient à la « solution à deux États » comme seule condition à la stabilité de la région et à la fin de l’occupation israélienne.

Reem Hani

Moscou se contente d’exercer des pressions diplomatiques pour mettre fin au « bain de sang »

Moscou | Dès le début, l’annonce d’un accord de cessez-le-feu à Gaza a été accueillie avec une « prudence » par la Russie, qui a déjà fait l’expérience de la manière dont l’Occident traite les initiatives de « paix » précédentes, notamment en ce qui concerne la question palestinienne. Partant du principe que la proposition du président américain Donald Trump reste « la meilleure actuellement disponible » , Moscou continue d’exhorter toutes les parties concernées, en premier lieu Israël, à « faire des concessions » afin de mettre fin à l’effusion de sang et de remédier à la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza, tout en restant attachée au principe selon lequel la création d’un État palestinien reste la « seule » solution pour mettre fin à la « violence au Moyen-Orient ».

Si la Russie se montre « pleinement » disposée à s’engager dans toute initiative de paix visant à mettre fin à la guerre actuelle, y compris au Liban, la précipitation des pays arabes à adopter le plan Trump et leur choix de s’engager pleinement dans la voie américaine pour mettre fin à la guerre à Gaza – ce qui est apparu clairement dans le traitement réservé à Trump lors du sommet de Charm el-Cheikh – ont rendu Moscou plus « réservée » quant à « s’imposer » dans le processus.

Ainsi, malgré le report par la Russie du premier sommet arabo-russe de l’histoire, prévu le 15 mai, à la suite de l’annonce d’un cessez-le-feu, et l’« occupation » des dirigeants arabes par la tenue de réunions pour signer l’accord à ce sujet, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a maintenu la conférence de presse qu’il avait prévue avec un certain nombre de journalistes arabes en marge du sommet. Il a confirmé mardi, en réponse à une question sur l’absence de la Russie parmi les dizaines de pays présents à Charm el-Cheikh, que « ce sont les pays hôtes, comme l’Égypte, qui ont lancé l’invitation à participer et qui ont coordonné leurs actions avec les initiateurs arabes et les États-Unis avant toute autre partie ».

Si M. Lavrov a affirmé que Moscou « faciliterait par tous les moyens possibles » la mise en œuvre du plan de M. Trump, il a toutefois précisé que son pays « ne s’imposerait pas », déclarant : « Si les participants au sommet égyptien estiment qu’il est nécessaire d’impliquer la Russie dans le processus, nous ne refuserons pas. Mais il n’est pas dans nos habitudes d’imposer nos services ». S’étonnant de la déclaration du vice-président de Trump, J. D. Vance, selon laquelle « la reconstruction de Gaza doit être prise en charge par les pays arabes », il a indiqué que « compte tenu des projets de reconstruction menés par le Japon, des représentants de ce pays ont été invités au sommet ».

Moscou est devenue plus « réservée » quant à « s’imposer » dans le processus de « paix ».

Dans la première « évaluation » publique du plan, le ministre russe des Affaires étrangères a averti que la proposition de Trump, qui « ne constitue pas une solution à la question palestinienne », manque de détails concrets sur l’État palestinien souhaité et ne fait « aucune référence » à la Cisjordanie occupée, dont le problème dépasse celui des « colonies israéliennes » pour atteindre l’absence de « toute infrastructure réelle » dans cette région.

En passant en revue les positions russes depuis plusieurs décennies avant l’opération du 7 octobre, il apparaît que la question de l’État palestinien est restée une priorité de la politique étrangère russe au Moyen-Orient, considérée comme la seule solution au « règlement de la question palestinienne », sans toutefois que des mesures concrètes aient été prises pour y parvenir. Au début du mois, le président russe Vladimir Poutine a confirmé, en réaction à l’annonce de l’accord, que Moscou considérait que « la condition préalable indispensable à la stabilité à long terme et à la résolution de toutes les questions liées à ce problème complexe est la création d’un État palestinien indépendant », soulignant que telle était « la position de l’Union soviétique, héritée par toutes les républiques de l’ex-Union soviétique ».

Mardi, M. Lavrov a réitéré la position du Kremlin, affirmant lors d’une rencontre avec des journalistes arabes que « la cause profonde de tous les problèmes est l’absence d’un État palestinien », ce qui « alimente l’extrémisme dans le monde arabe », citant en exemple la situation des enfants de Gaza et leur vie dans la bande de Gaza assiégée depuis avant la guerre.

Consciente de la « fragilité » de l’accord promu par Trump, Moscou se contente d’exercer des pressions diplomatiques pour mettre fin au « bain de sang », mettant en garde contre toute « manipulation » d’un accord déjà « fragile », tout en appelant « la partie israélienne à trouver un équilibre entre les intérêts et à renoncer à l’idée d’éliminer tous ceux qui menacent la sécurité d’Israël », selon les termes de Lavrov. La prudence russe s’explique sans doute par les expériences « amères » des puissances occidentales dans le traitement des initiatives de paix précédentes, ce qui a poussé M. Lavrov à laisser entendre dans ses dernières déclarations que, même s’il ne partageait pas l’avis selon lequel « l’Occident n’a pas besoin d’une Palestine indépendante, mais d’une Palestine sous mandat », les actions de certains de ses collègues, comme les Britanniques, semblent lui donner raison.

Al Akhbar