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Des milliers de violations du cessez-le-feu, des bombardements quotidiens et des incursions aériennes incontrôlées ont transformé la trêve de 2024 en fiction. Sous le prétexte de la « sécurité », Israël mène une guerre qu’il refuse de nommer.

Par Elijah J Magnier

Le Liban se retrouve une fois encore à la croisée des chemins de la destruction. Depuis octobre, Israël traite le pays à la fois comme une cible et comme un terrain d’expérimentation, menant des frappes quasi quotidiennes sous couvert d’autodéfense. La trêve proclamée en 2024 ne survit plus que de nom. Chaque nouveau bombardement, chaque incursion au-delà de la ligne bleue enfonce davantage le Liban dans un état qui n’est ni la paix ni la guerre déclarée : une stratégie qui maintient toute une nation sous menace permanente tout en évitant le coût politique d’une invasion ouverte.

L’extension de la guerre de Gaza vers le nord a transformé le Liban en second front d’Israël, révélant la même doctrine de dissuasion par la dévastation qui caractérise la campagne menée à Gaza. Depuis le 7 octobre, le Liban est redevenu le centre de la planification militaire israélienne. Après l’escalade de l’an dernier – lorsque Tel-Aviv a annoncé puis conduit une troisième guerre contre le Liban – le cabinet de guerre israélien considère désormais le pays comme un laboratoire destiné à affaiblir le pouvoir militaire du Hezbollah sans en passer par une déclaration de guerre formelle. Sous le prétexte que « le Hezbollah reconstitue son arsenal et ses structures de commandement », Israël a adopté une stratégie de coercition prolongée : frappes aériennes, tirs d’artillerie et incursions terrestres répétées visant à affaiblir le mouvement sans franchir le seuil officiel du conflit ouvert.

Depuis la cessation des hostilités annoncée en octobre 2024, les autorités libanaises et plusieurs sources locales rapportent qu’Israël a violé la trêve environ 5 000 fois et que quelque 350 Libanais ont été tués ou blessés dans tout le pays. Du point de vue d’Israël, ces actions ne constituent pas des violations, mais l’expression d’un droit autoproclamé à maintenir un « contrôle sécuritaire » sur le territoire libanais, son espace aérien et ses eaux territoriales – une licence qu’il s’accorde lui-même pour maintenir le pays dans un état de non-paix.

La trajectoire de la campagne israélienne risque désormais de glisser d’un bombardement intermittent vers une situation qui n’est plus une simple opération de police mais presque une guerre ouverte. Jour après jour, les frappes, les incursions répétées et les tirs d’artillerie et d’aviation quasi continus dans le Sud-Liban et la plaine de la Békaa érodent la frontière entre pression militaire limitée et hostilités de grande ampleur. Même si les deux parties évitent de déclarer la guerre, l’effet cumulatif de milliers de violations du cessez-le-feu, de centaines de morts civiles et d’opérations transfrontalières répétées produit le même résultat : infrastructures détruites, populations déplacées et frontière déstabilisée, rendant une conflagration plus large de plus en plus probable. Ce qu’Israël appelle coercition « calibrée » pourrait rapidement devenir incontrôlable : chaque nouveau raid accroît le risque que ces opérations limitées dégénèrent en affrontement régional, selon l’ampleur des destructions qu’Israël entend infliger à la communauté chiite du Liban.

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