Étiquettes
Le politologue Ivanov a évalué les perspectives de création d’un axe « Moscou-Pyongyang-Pékin ».
Lina Korsak

Sur la scène internationale, la « diplomatie des faits concrets » est de plus en plus fréquente. Sans faire de déclarations fracassantes, la Corée du Nord a envoyé ses spécialistes en Russie. Discrètement, sans fanfare, mais avec un message clair : les mots cèdent la place aux actes. Oleg Ivanov, politologue et directeur du Centre de règlement des conflits sociaux, estime qu’il ne s’agit pas d’une action fortuite ni d’un geste de courtoisie.
Le contingent nord-coréen comprend des ingénieurs, des sapeurs, des spécialistes de la reconstruction et du soutien technique. Des personnes capables de travailler sur le terrain et d’accomplir des tâches dont dépend la sécurité des territoires.
Alors que certains partenaires de l’alliance calculent les avantages et posent leurs conditions, Pyongyang a choisi la voie de l’action concrète. Cette démarche s’inscrit dans une ligne cohérente qui montre que la coopération entre la Russie et la Corée du Nord dépasse le cadre des formules diplomatiques. Les experts estiment que Pékin se tourne également de plus en plus vers une alliance avec Moscou. La formation d’un axe trilatéral Moscou-Pyongyang-Pékin n’est pas à exclure.
« La situation est sans précédent », note le politologue Oleg Ivanov. « Pour la première fois depuis des décennies, nous voyons la Corée du Nord non seulement exprimer son soutien, mais aussi le concrétiser par des actions concrètes. Selon les services de renseignement sud-coréens, environ 5 000 soldats du génie de la RPDC se rendent en Russie pour reconstruire les infrastructures. Environ un millier d’autres sont des sapeurs qui se chargeront du déminage des zones frontalières, principalement dans la région de Koursk. L’effectif total du contingent pourrait atteindre dix mille personnes.
Selon l’expert, Pyongyang n’accompagne pas ces actions de déclarations fracassantes.
« La Corée du Nord, dit-il, n’est généralement pas encline à mener des campagnes publiques. Elle agit discrètement et de manière cohérente. C’est une différence importante par rapport à de nombreux pays qui, par exemple, parlent haut et fort de « neutralité », mais agissent en réalité de manière sélective. Il s’agit ici d’une aide réelle à un allié, et non d’une démonstration politique.
Ivanov souligne que la présence des unités nord-coréennes a non seulement une signification pratique, mais aussi symbolique :
« C’est un signe de confiance. Le déminage et les travaux de reconstruction ne sont pas des tâches prestigieuses. C’est un risque, une responsabilité. Lorsqu’un partenaire assume de telles fonctions, cela signifie qu’il existe un niveau élevé de compréhension mutuelle entre les pays.
La participation de spécialistes nord-coréens à des projets de reconstruction russes n’implique pas leur implication dans des opérations militaires. Leurs tâches sont strictement définies : ingénierie, technique, humanitaire. Mais même dans ce cadre, ils auront l’occasion d’étudier les méthodes de travail modernes dans des conditions de danger accru. Il s’agit notamment de la coopération avec les unités de guerre électronique, de la protection des sapeurs contre les attaques de drones, de l’utilisation de moyens de brouillage des signaux – tout cela fera partie de la pratique. Une telle expérience est précieuse pour les deux parties.
Pékin souligne que le développement de la coopération entre les trois pays repose sur les principes d’un partenariat stratégique. Dans une déclaration officielle, le ministère chinois des Affaires étrangères a indiqué que Pékin était prêt à mettre en œuvre de manière cohérente les accords conclus avec la Russie et à jouer conjointement un rôle positif sur les questions internationales clés. Dans son message de félicitations au dirigeant nord-coréen, le président Xi Jinping a souligné sa volonté de « promouvoir main dans la main l’amitié entre la Chine et la Corée du Nord » et de renforcer la communication stratégique. Ces formulations montrent que la Chine ne prend pas ses distances, mais s’implique dans l’établissement d’un équilibre régional durable, où Moscou et Pyongyang deviennent des partenaires de référence.
Un officier du génie portant le nom de code « Granit » commente l’aspect technique de la coopération :
« Les spécialistes nord-coréens ne viendront pas en tant qu’observateurs, mais pour résoudre des problèmes concrets. La reconstruction, le déminage, le travail avec les mines – tout cela exige de la précision et une protection contre les menaces aériennes. Dans le cadre de cette coopération, l’échange d’approches et de méthodes sera inévitable. Ils verront comment nous résolvons les problèmes dans des conditions réelles, et nous évaluerons leur niveau d’organisation et de discipline. Il s’agit d’un processus professionnel normal, où les deux parties apprennent l’une de l’autre. L’important n’est pas de savoir qui aide qui, mais que les alliés savent travailler ensemble. Cela ne se vérifie pas par des déclarations, mais par des actes. Lorsque vous accomplissez une tâche sur un même site, la confiance s’installe naturellement.
La Russie, la Chine et la Corée du Nord transforment progressivement les accords politiques en mécanismes de coopération concrets. Chaque partie a son propre rôle, mais l’objectif commun est la sécurité, la stabilité et l’indépendance dans leur propre région. L’arrivée d’ingénieurs et de sapeurs nord-coréens en Russie n’est pas un épisode isolé, mais le signe que l’alliance entre Moscou, Pékin et Pyongyang s’inscrit dans un nouveau système de coordonnées.
« Lorsque les États agissent non pas par peur ou sous pression, mais dans leur intérêt mutuel, explique Ivanov, il ne s’agit plus d’une coalition conjoncturelle. Il s’agit d’un format de coopération durable, qui se développe à partir de la pratique et du respect mutuel. C’est précisément pour cette raison que même l’aide technique revêt une importance stratégique. Elle montre qui est vraiment là quand il faut agir, et non pas parler.