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Cour pénale internationale, Crimes de guerre, Gaza, Génocide, Homicide illégal, Israël, Israël/Palestine
hannon Bosch, professeure agrégée (droit), Université Edith Cowan

Fin décembre 2008, le Premier ministre israélien de l’époque, Ehud Olmert, a autorisé l’opération « Plomb durci » en réponse aux attaques à la roquette lancées depuis le territoire contrôlé par le Hamas à Gaza.
Cette offensive militaire de trois semaines a fait environ 1 400 morts parmi les Palestiniens, dont plus de 300 enfants. Des milliers de maisons ont été détruites et des hôpitaux, des abris de l’ONU, des centrales électriques, des installations d’approvisionnement en eau, des entrepôts alimentaires, des écoles et des mosquées ont été gravement endommagés. Les équipes de secours médicaux et les travailleurs humanitaires ont été empêchés d’intervenir.
Une mission d’enquête de l’ONU a documenté des attaques aveugles, l’utilisation de phosphore blanc dans des zones peuplées et ce qu’elle a qualifié de punition collective de l’ensemble de la population de Gaza.
Des groupes de défense des droits humains ont également compilé des preuves à l’appui de ces conclusions.
En janvier 2009, l’Autorité palestinienne a présenté une déclaration encourageant la Cour pénale internationale (CPI) à enquêter sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité présumés commis lors de l’opération.
À l’époque, cependant, la Palestine n’avait que le statut d’« entité observatrice » aux Nations unies, et le procureur de la Cour a conclu qu’il ne s’agissait pas d’un « État » capable d’adhérer au Statut de Rome (le traité qui a institué la Cour) ou de déclencher une enquête. Israël n’a jamais été membre de la CPI.
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En conséquence, la CPI n’a pas enquêté sur ces incidents afin de déterminer s’ils remplissaient les critères requis pour être qualifiés de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité.
Plus de 15 ans plus tard, cette opération fait à nouveau l’objet d’une attention particulière. Au début du mois, la Fondation Hind Rajab, une organisation à but non lucratif basée en Belgique, a déposé une requête en Allemagne afin que les procureurs ouvrent une enquête sur le rôle joué par Ehud Olmert dans cette opération.
Qu’est-ce que la compétence universelle ?
Les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité comptent parmi les infractions les plus graves reconnues par le droit international. Ils ne sont pas soumis à prescription.
Cependant, la CPI ne peut assumer seule la charge de poursuivre ces affaires. Elle n’a jamais été conçue pour cela.
C’est pourquoi les tribunaux nationaux sont devenus des mécanismes essentiels pour poursuivre les auteurs présumés de crimes de guerre, et de plus en plus d’associations de défense des droits des victimes les utilisent à cette fin.
Ils peuvent le faire grâce au principe de « compétence universelle » ( ). Cela signifie que tout État peut poursuivre les auteurs présumés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, d’actes de torture et de génocide commis n’importe où dans le monde, quelle que soit la nationalité de l’auteur ou des victimes.
La compétence universelle existe en droit international afin de combler le vide en matière de responsabilité lorsque les tribunaux internationaux ou les tribunaux des différents États (comme Israël) ne parviennent pas à agir.
Par exemple, la loi allemande confère aux procureurs allemands la compétence pour juger les affaires impliquant des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des génocides présumés. Les tribunaux allemands ont déjà utilisé ces pouvoirs pour arrêter et poursuivre des auteurs présumés provenant d’autres zones de conflit, notamment la Syrie, la République démocratique du Congo et l’Irak.
Plus de 140 États ont cette même capacité d’arrêter, d’enquêter et de poursuivre des ressortissants étrangers dans des affaires de ce type. Des poursuites fondées sur la compétence universelle ont été engagées dans 19 pays.
Selon une organisation qui recense ces affaires, rien que cette année, quelque 95 affaires relevant de la compétence universelle sont en cours dans 16 pays. Ce chiffre est en hausse par rapport aux 36 affaires recensées en 2024.
Et plus de 25 pays (dont les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Brésil et d’autres) ont reçu des plaintes pénales liées à des crimes de guerre présumés impliquant spécifiquement des soldats ou des dirigeants israéliens. Ces plaintes proviennent de réseaux mondiaux d’avocats, de chercheurs et de militants.
Dans certains cas, les plaintes sont étayées par des preuves géolocalisées publiées par les auteurs présumés eux-mêmes sur les réseaux sociaux.
Les soldats pourraient être pris pour cible n’importe où
Cela a rendu les soldats et les dirigeants israéliens plus vulnérables à d’éventuelles arrestations lorsqu’ils voyagent à l’étranger en raison de leur implication potentielle dans des opérations à Gaza.
Un soldat israélien, par exemple, a fait l’objet d’une enquête judiciaire au Brésil en janvier avant de fuir le pays.
En conséquence, le média israélien Ynet a publié un guide de voyage mettant en garde les soldats israéliens contre les risques juridiques liés aux voyages à l’étranger, avec les conseils d’un avocat de la défense devant la CPI.
Les Forces de défense israéliennes ont également introduit de nouvelles mesures visant à dissimuler l’identité des soldats et ont exigé des médias qu’ils floutent le visage des soldats et utilisent leurs initiales à la place de leurs prénoms.
Si les enquêtes menées par la CPI sur les crimes de guerre potentiels restent essentielles pour traduire en justice les auteurs de conflits à travers le monde, ces affaires relevant de la compétence universelle montrent qu’il existe une autre voie permettant aux victimes d’obtenir justice.
Certains juristes suggèrent que les tribunaux nationaux peuvent et doivent agir en tandem avec la CPI, le tribunal des Nations unies se concentrant sur les « gros poissons » et les tribunaux nationaux ciblant les soldats individuels impliqués dans les conflits.
Selon les juristes, cela contribuerait à « réduire l’impunité », en envoyant un message clair selon lequel les crimes internationaux graves feront l’objet d’enquêtes, quel que soit leur auteur.