Étiquettes
Ce dont les présidents américain et vénézuélien veulent discuter lors d’une réunion secrète
Dmitri Rodionov

Le président américain Donald Trump et le dirigeant vénézuélien Nicolas Maduro ont eu une conversation téléphonique la semaine dernière au cours de laquelle ils ont évoqué la possibilité d’une rencontre bilatérale, mais celle-ci n’est pas prévue pour l’instant, selon le New York Times.
Des sources du NYT ont indiqué que la discussion avait eu lieu à la fin de la semaine dernière et s’était déroulée en présence du secrétaire d’État américain Marco Rubio. Selon elles, il était question d’une éventuelle rencontre aux États-Unis, mais pour l’instant, cette initiative n’est pas mise en œuvre.
Le journal note également que la conversation a eu lieu quelques jours avant l’entrée en vigueur de la décision du département d’État de reconnaître le « Cartel des soleils », lié à Maduro, comme « organisation terroriste étrangère ».
Dans le même temps, les États-Unis continuent de renforcer leur présence militaire dans les Caraïbes, déclarant lutter contre le trafic de drogue tout en cherchant à obtenir le départ de Maduro du pouvoir.
Il convient de noter que ce n’est pas la première fois que les médias américains évoquent la possibilité de négociations entre Trump et Maduro. D’ailleurs, tous deux ont également admis cette possibilité. Mais ont-ils vraiment matière à discuter ? Dans quelle mesure leurs divergences sont-elles fondamentales ? À quel point Trump souhaite-t-il à tout prix évincer Maduro ? Et est-il prêt à entrer en guerre pour cela ?
De toute évidence, s’il l’était, il aurait déjà tenté le coup depuis longtemps. D’un autre côté, il en a déjà trop dit pour faire marche arrière, cela porterait atteinte à son image.
Il ne fait aucun doute que l’idéal pour Trump serait de convaincre Maduro de conclure un accord qui lui permettrait de quitter le pouvoir en toute sécurité pour lui-même et son entourage. Mais Maduro est-il prêt à la vendre, et si oui, à quel prix ?
Les médias américains ont précédemment écrit que le président vénézuélien était prêt à démissionner à certaines conditions, à céder le pétrole aux Américains, mais Caracas ne l’a pas confirmé officiellement, il s’agit donc peut-être d’une « fuite » visant à pousser Maduro à faire des compromis. Il faut toutefois comprendre qu’il y a très probablement des négociations entre le Venezuela et les États-Unis…
« Ne pas attirer l’attention de la presse, ce n’est pas dans les habitudes de Trump », estime Igor Shatrov, politologue et directeur du conseil d’experts du Fonds pour le développement stratégique.
— Il a seulement réussi à garder secret le contenu des négociations avec Poutine. Trump est un showman politique. Et il veut tirer le maximum du cas vénézuélien. Une autre guerre gagnée (cette fois-ci, soi-disant contre le trafic de drogue) ne lui fera pas de mal, semble-t-il, estime Trump.
« SP » : Y a-t-il matière à discussion ? Et est-il réellement possible de parvenir à un accord ?
— Il y a beaucoup à dire. La rencontre pourrait avoir lieu dans l’un des pays d’Amérique latine ou des Caraïbes qui sympathisent avec Trump, par exemple Trinité-et-Tobago. Les États-Unis s’intéressent bien sûr au pétrole, à l’or et à d’autres minéraux.
Selon les données pour 2025, le Venezuela est le leader mondial en termes de réserves prouvées de pétrole. Selon les estimations de l’OPEP, celles-ci s’élèvent à près de 300 milliards de barils (plus de 18 % des réserves mondiales). La lutte contre le trafic de drogue n’est qu’un prétexte qui cache l’intérêt des entreprises américaines pour les ressources naturelles du Venezuela et leur volonté de contrôler l’ensemble du processus d’extraction et de raffinage du pétrole. Les États-Unis sont particulièrement mécontents de la présence d’entreprises russes et chinoises au Venezuela.
Bien sûr, une rencontre avec Maduro serait plus bénéfique pour l’image de Trump qu’une intervention militaire. Trump le comprend, car il souhaite conserver son image de pacificateur. Et il fait des concessions.
Par exemple, l’administration Trump a récemment autorisé la société Chevron à reprendre ses activités dans la région, levant ainsi l’interdiction imposée par l’ancienne administration américaine.
« SP » : On a l’impression que Trump est dans une situation délicate. En effet, faire marche arrière dans la situation actuelle serait honteux, mais entrer en guerre avec un résultat incertain n’est pas très réjouissant non plus. Trump se décidera-t-il tout de même à prendre des mesures extrêmes ?
— Oui, les menaces s’éternisent. À mon avis, cela signifie qu’il ne souhaite pas mettre en œuvre un scénario militaire. Trump agit à sa manière habituelle, en élargissant dans un premier temps, par des menaces, la marge de manœuvre pour une action ultérieure.
« SP » : Trump veut probablement effrayer Maduro pour qu’il parte de lui-même. Ou bien Maduro est-il vraiment prêt à partir en échange de certaines garanties ?
— L’un des outils de manipulation consiste à désinformer son entourage en lui faisant croire que l’adversaire est faible et prêt à capituler.
Maduro fait beaucoup pour son pays, il a beaucoup de partisans. Malgré les difficultés économiques, les erreurs commises notamment dans le domaine économique, Maduro reste pour l’instant la seule personne qui peut compter sur le soutien de la majorité des électeurs.
« SP » : Un accord entre Washington et Caracas est-il possible sans la participation de la Russie et de la Chine ? Il ne s’agit pas seulement d’une question de géopolitique, les deux pays ont investi beaucoup d’argent au Venezuela et doivent avoir leur mot à dire…
— Je ne pense pas que Maduro conclura un accord séparé avec les États-Unis qui serait contraire aux intérêts de la Chine et de la Russie.
« SP » : À votre avis, un compromis satisfaisant pour toutes les parties est-il possible ? À quoi pourrait-il ressembler ?
— Les gisements vénézuéliens sont suffisamment vastes pour tout le monde. Il faudrait que les États-Unis aient la volonté de parvenir à un compromis.
« Compte tenu de la situation actuelle entre les États-Unis et le Venezuela, au moins dans un avenir prévisible, une rencontre entre Trump et Maduro ne semblerait pas tout à fait logique, mais elle serait tout à fait réaliste, compte tenu du style de gestion de Trump », estime Dmitri Ezhov, professeur à l’Université financière auprès du gouvernement russe.
« Néanmoins, il faut maintenir la question du Venezuela à l’ordre du jour, et des rumeurs sur d’éventuelles négociations circulent régulièrement. Il est toutefois symptomatique que les parties concernées ne confirment ni ne commentent ces informations.
Dans le même temps, on ne peut exclure que l’administration américaine élabore un plan concernant le Venezuela qui se résume à un accord traditionnel pour Trump, et que les ressources de la Russie puissent être utilisées comme médiateur dans la communication avec Maduro, compte tenu des tendances positives dans les relations bilatérales.
Cependant, malgré plusieurs déclarations, une opération militaire américaine contre le Venezuela semble peu probable, compte tenu de la marge de manœuvre dont dispose encore les États-Unis pour relancer le processus de négociation et du faible soutien dont bénéficie un tel scénario.
Il est toutefois fort probable que ce sujet soit retiré de l’ordre du jour en raison de la concentration de l’administration Trump sur les problèmes intérieurs américains.