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L’administration Trump a défini les contours actuels de ses intérêts

Konstantin Olshansky


L’administration de Donald Trump a publié vendredi dernier, dans un silence inhabituel, sa nouvelle « Stratégie de sécurité nationale ».

La version précédente, approuvée par Joe Biden en 2022, a disparu du site web de la Maison Blanche. Les commentateurs occidentaux soulignent que la nouvelle stratégie s’éloigne de la doctrine de la « concurrence mondiale entre les grandes puissances » au profit d’une approche axée sur le « retour aux intérêts nationaux ».

Ce document, nettement plus court que la stratégie précédente de 2022 (33 pages contre 48), adopte une attitude beaucoup plus modérée à l’égard de la Russie et de la Chine, et ne mentionne pratiquement pas l’Afrique et le Moyen-Orient.

L’Ukraine n’est plus une priorité

L’un des changements les plus significatifs concerne la Russie et la crise ukrainienne. Alors qu’en 2022, la Russie était considérée comme une « menace immédiate et permanente » menant une « politique étrangère impérialiste », cette rhétorique belliqueuse est totalement absente de la nouvelle stratégie.

La stratégie 2022 déclarait soutenir l’Ukraine « autant que nécessaire » pour « faire échouer la stratégie de la Russie », mais la nouvelle stratégie ne contient rien de tel.

Le « rétablissement de la stabilité stratégique » est cité comme l’une des principales priorités de la politique étrangère américaine en Europe, y compris le règlement diplomatique des relations afin de réduire les risques de conflit.

L’intérêt principal des États-Unis est défini comme « la fin des hostilités en Ukraine par la voie de négociations » dans le but de « stabiliser l’économie des pays européens » et « d’assurer la possibilité d’une reconstruction post-guerre de l’Ukraine pour sa survie en tant qu’État viable ».

Ainsi, les États-Unis préconisent la fin du conflit en Ukraine par la voie de négociations, la minimisation des risques d’affrontement entre la Russie et l’Europe, la « prévention d’une escalade ou d’une extension involontaire de la guerre* et le rétablissement d’une stabilité stratégique dans les relations avec la Russie ».

Contrairement au document précédent, la nouvelle stratégie ne fait aucune mention de l’aide militaire à Kiev ni des plans visant à mettre fin à « l’agression russe ». De même, la nouvelle stratégie ne mentionne pas la politique intérieure de la Russie, ce qui constitue un autre écart très notable par rapport à la rhétorique précédente.

La diminution de l’implication américaine dans la région donne en fait carte blanche à la Russie pour renforcer son influence dans l’espace post-soviétique. Cela pourrait conduire à un « recul diplomatique », où le pragmatisme et la prise en compte des intérêts russes deviendraient dominants dans les relations de ces pays avec Washington et Moscou, prédit Politico.

L’Europe en « déclin civilisationnel »

Le document contient des déclarations très sévères à l’égard de l’Europe, souligne The Economist. En particulier, la stratégie évoque son « déclin civilisationnel ». Les responsables européens sont critiqués pour leurs « attentes irréalistes vis-à-vis de la guerre ». Le Maison Blanche considère que son rôle est de « favoriser le rétablissement des relations entre l’Europe et la Russie afin de réduire le risque de conflit ».

En résumé : 1) l’Ukraine ne peut pas gagner ; 2) L’Ukraine continue de se battre uniquement parce que l’Europe empêche l’établissement de la paix ; 3) L’Europe réprime la démocratie au nom du conflit ; 4) L’Europe doit mettre fin au conflit afin de rétablir la démocratie, commente Sam Green, professeur à l’Institut russe du Royal College de Londres.

« La stratégie de sécurité nationale de Trump : rendre l’Europe à nouveau blanche », ironise Shashank Joshi, rédacteur en chef de The Economist (qui est lui-même hindou). « Cette stratégie de sécurité nationale est beaucoup plus dure envers l’Europe qu’envers la Russie. Elle ne mentionne pas la menace russe ni la dissuasion, mais seulement le fait que le « rétablissement de la stabilité stratégique » est une priorité. L’Europe est présentée comme la principale menace pour la liberté.

La stratégie proclame la volonté des États-Unis de défendre la « véritable démocratie » en Europe et souligne « l’influence croissante des partis patriotiques européens ». L’objectif des États-Unis sur la scène européenne est de « aider l’Europe à corriger sa trajectoire actuelle ».

Reuters a précédemment rapporté que le vice-président Jay D. Vance avait rencontré à plusieurs reprises les dirigeants d’« Alternative pour l’Allemagne ». Il a ensuite sévèrement critiqué la décision des autorités allemandes, qui ont qualifié le parti d’« extrémiste de droite ». J. D. Vance a écrit que ce parti était « le plus populaire d’Allemagne… et que les bureaucrates tentaient de le détruire ».

Avec la Chine, la concurrence plutôt que la confrontation

Bien que la Chine soit reconnue comme « la menace la plus grave à long terme », la stratégie de Trump à l’égard de Pékin est formulée « avec prudence et sans provocation ». L’administration promet de « rétablir l’équilibre dans les relations économiques entre les États-Unis et la Chine, en accordant la priorité à la réciprocité et à l’équité », et appelle à « maintenir des relations économiques véritablement mutuellement avantageuses ». Le document exprime également la volonté « d’empêcher une guerre dans la région indo-pacifique », souligne Politico.

Dans l’ensemble, comme l’indique clairement la stratégie, l’administration Trump met désormais l’accent sur le « retour aux intérêts nationaux ». Les engagements des États-Unis en matière de sécurité mondiale sont supprimés, les alliances et les unions mort-nées (telles que l’AUKUS et le Quad) appartiennent désormais au passé.

Cela signifie que les alliés, y compris les membres de l’OTAN, devront assumer une responsabilité beaucoup plus grande pour leur sécurité, peut-être en révisant leurs stratégies de défense et leurs relations avec les autres puissances.

La nouvelle stratégie américaine a provoqué en Europe et en Ukraine, sinon un choc, du moins un état proche de celui-ci. Les « faucons » européens sont furieux : ils n’avaient l’intention de faire la guerre à la Russie qu’en collaboration avec les États-Unis. Et Zelensky semble commencer à comprendre qu’on a personnellement tiré un trait sur lui outre-Atlantique.

Svpressa