Caitlin Johnstone

Alors que les États-Unis atteignent pour la première fois un budget militaire annuel officiel d’un trillion de dollars, le comité de rédaction du New York Times a publié un article affirmant que les États-Unis vont devoir augmenter leur budget militaire afin de se préparer à une guerre majeure contre la Chine.
L’article est intitulé « Overmatched: Why the U.S. Military Must Reinvent Itself » (Surclassé : pourquoi l’armée américaine doit se réinventer) et, pour être clair, il s’agit d’un éditorial et non d’une tribune libre, ce qui signifie qu’il représente la position du journal lui-même plutôt que celle des auteurs uniquement.
Cela ne surprendra personne qui sait que le New York Times a soutenu toutes les guerres américaines tout au long de son histoire, car le New York Times est une entreprise de propagande de guerre déguisée en organe de presse. Mais il est surprenant de voir à quel point ils sont effrontés dans ce cas particulier.
L’article s’ouvre sur des graphiques qu’un commentateur a qualifiés de « mussolinistes » en raison de leur esthétique manifestement fasciste, accompagnés de trois lignes de texte en majuscules qui se lisent comme suit :
« L’ARMÉE AMÉRICAINE DÉFEND LE MONDE LIBRE DEPUIS 80 ANS.
NOTRE DOMINANCE S’ESTOMPE.
NOS RIVAUX LE SAVENT ET SE PRÉPARENT À NOUS VAINCRE. »
Le discours selon lequel la machine de guerre américaine a « défendu le monde libre » pendant sa période de domination mondiale après la guerre mondiale est en soi une propagande impérialiste insensée. Washington a abusé, tyrannisé et affamé le monde à un niveau inégalé par aucune autre puissance pendant cette période, tout en menant le vol de centaines de milliers de milliards de dollars au détriment des pays du Sud par le biais de l’extraction impérialiste . L’empire américain n’a pas défendu un quelconque « monde libre », il a activement empêché son émergence.
Le texte de l’article commence par un autre mensonge éhonté, la première phrase étant : « Le président chinois Xi Jinping a ordonné à ses forces armées d’être prêtes à s’emparer de Taïwan d’ici 2027. »
Il s’agit là d’une propagande d’État pure et simple. La rédaction du New York Times reprend ici sans critique une affirmation totalement infondée que le cartel des services de renseignement américains répète depuis des années, et que Xi Jinping nie explicitement. Si la position officielle de Pékin est que Taïwan finira par être réunifiée avec le continent, aucune preuve n’a jamais été présentée au public concernant l’échéance de 2027. Il s’agit d’une affirmation du gouvernement américain rapportée comme un fait avéré par le « journal de référence » du pays.
Et cela ne s’améliore pas par la suite. Le Times cite une évaluation du Pentagone selon laquelle les États-Unis perdraient une guerre ouverte avec la Chine au sujet de Taïwan comme preuve du « déclin depuis des décennies de la capacité des États-Unis à gagner une longue guerre contre une grande puissance », arguant que cela constitue un problème majeur car « une Amérique forte a été cruciale pour un monde dans lequel la liberté et la prospérité sont beaucoup plus courantes qu’à presque tout autre moment de l’histoire humaine ».
« Il s’agit du premier d’une série d’éditoriaux examinant ce qui ne va pas avec l’armée américaine — sur le plan technologique, bureaucratique, culturel, politique et stratégique — et comment nous pouvons créer une force pertinente et efficace capable de dissuader les guerres autant que possible et de les gagner lorsque cela est nécessaire », nous explique le New York Times.
Le Times soutient que les États-Unis doivent remodeler leur armée pour vaincre la Chine en cas de guerre, ou pour gagner une guerre contre la Russie si celle-ci attaque un membre de l’OTAN, affirmant que « des preuves suggèrent que Moscou pourrait déjà tester des moyens d’y parvenir, notamment en coupant les câbles sous-marins dont dépendent les forces de l’OTAN ».
La « preuve » citée par le Times pour étayer cette affirmation est un lien hypertexte vers un article publié en janvier intitulé « La Norvège saisit un navire russe soupçonné d’avoir coupé un câble sous-marin », ignorant complètement le fait que la Norvège a libéré ce navire peu après, n’ayant trouvé aucune preuve le reliant à cet événement, et ignorant complètement les rapports selon lesquels les services de renseignement américains et européens avaient conclu que les dommages causés au câble sous-marin étaient le résultat d’un accident plutôt que d’un sabotage.
Et puis, bien sûr, vient l’appel à un financement militaire accru.
« À court terme, la transformation de l’armée américaine pourrait nécessiter des dépenses supplémentaires, principalement pour reconstruire notre base industrielle. En pourcentage de l’économie, les dépenses de défense actuelles — environ 3,4 % du PIB — restent proches de leur niveau le plus bas depuis plus de 80 ans, même après les récentes augmentations décidées par M. Trump », écrit le Times, ajoutant que les alliés des États-Unis devraient également être incités à augmenter leurs dépenses militaires.
« Un monde plus sûr exigera très certainement un engagement militaire accru de la part d’alliés tels que le Canada, le Japon et l’Europe, qui comptent depuis longtemps sur les contribuables américains pour financer leur protection », écrivent les auteurs, affirmant que « la capacité industrielle de la Chine ne peut être contrée qu’en mettant en commun les ressources des alliés et des partenaires du monde entier afin d’équilibrer et de contenir l’influence croissante de Pékin ».
Bien sûr, l’idée que les États-Unis devraient peut-être éviter de mener une guerre ouverte avec la Chine au large de leurs côtes ne fait jamais partie du débat. La suggestion selon laquelle il est insensé de soutenir la conduite de guerres à grande échelle avec des grandes puissances dotées de l’arme nucléaire pour assurer la domination planétaire des États-Unis n’est jamais évoquée. Il est simplement considéré comme acquis que consacrer des richesses et des ressources à la préparation d’une guerre mondiale à l’ère nucléaire est la seule option normale envisageable.
Mais c’est le New York Times pour vous. Il est dirigé par la même famille depuis la fin des années 1800 et, depuis lors, il défend les intérêts informationnels des impérialistes riches et puissants. C’est un torchon militariste qui a réussi à se forger une respectabilité imméritée, et il mérite d’être traité comme tel. Plus tôt il cessera d’exister, mieux ce sera.