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Par Wolfgang Munchau

European leaders are trying to save face. Credit: Getty
Les dirigeants européens tentent de sauver la face. Crédit : Getty

Après une journée de négociations tendues, l’Union européenne a abandonné son projet de séquestre des actifs russes. Le Premier ministre belge Bart De Wever, farouche opposant à cet accord, est resté fidèle à ses principes jusqu’au bout. À la place, l’UE va désormais émettre un eurobond de 90 milliards d’euros sur son budget, un mécanisme similaire à celui du fonds de relance. La position officielle est qu’il s’agit uniquement d’un arrangement financier temporaire et que le projet de saisie n’a pas été officiellement abandonné. Mais il s’agit là d’une simple tentative pour sauver la face. Les obstacles à la saisie n’étaient pas d’ordre technique, mais politique : soit on accepte de partager les risques, soit on refuse. L’UE a choisi de refuser, et la Belgique s’y est opposée.

On sentait que quelque chose allait changer hier soir lorsque le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a publié une photo de lui-même, du Premier ministre slovaque Robert Fico et de son homologue tchèque Andrej Babiš, avec le titre énigmatique « De retour aux affaires ». Les trois hommes détenaient la clé pour débloquer les négociations en acceptant l’idée de l’euro-obligation. Le chancelier allemand Friedrich Merz avait passé les derniers jours de à dire à tout le monde que le plan de séquestration n’avait pas d’alternative, au motif qu’Orbán bloquerait l’euro-obligation. Ce qui s’est passé lors de la réunion informelle des « trois de Visegrád », c’est qu’ils ont accepté de lever leur veto à condition que leurs pays soient exemptés des obligations liées au prêt. C’est un autre accord louche de l’UE, mais c’est le compromis qui a finalement fonctionné.

Les 90 milliards d’euros couvriront le déficit budgétaire estimé de l’Ukraine pour deux ans, mais cela ne suffira pas à Kiev pour transformer une défaite imminente en victoire. L’idée initiale était d’obtenir un prêt beaucoup plus important, de plus de 200 milliards d’euros, garanti par les actifs russes. Ce qui s’est passé hier soir rappelle les innombrables réunions du Conseil européen pendant la crise de la dette souveraine, où les responsables finissaient toujours par s’accorder sur le minimum nécessaire pour empêcher l’effondrement de la zone euro.

En fin de compte, l’objectif du programme de saisie des actifs, aujourd’hui abandonné, était de contrecarrer les efforts de paix de l’administration Trump. La Maison Blanche le savait bien sûr et a tiré les ficelles diplomatiques en coulisses. Selon les projets publiés de l’accord de paix américain, les actifs russes détenus en Europe seraient débloqués et serviraient de capital de base pour un véhicule d’investissement du secteur privé qui investirait en Ukraine. C’est toujours le scénario de base pour l’avenir.

Maintenant que c’est l’argent de l’UE qui est en jeu, les Européens soutiendront davantage les pourparlers de paix menés par les États-Unis. Le président français Emmanuel Macron a déclaré après la réunion qu’il serait utile que l’UE renoue le dialogue avec Vladimir Poutine après plus de trois ans de gel diplomatique. À l’heure actuelle, selon lui, les Européens discutent principalement entre eux. Cela est apparu clairement lors des réunions de cette semaine à Berlin, où les dirigeants continentaux se sont maladroitement immiscés dans les pourparlers de paix. Ils n’avaient aucune proposition constructive à faire, se contentant de réitérer leurs lignes rouges. De toute évidence, ils pensaient que le plan de saisie des actifs leur permettrait de jouer un rôle de premier plan.

Ce plan était directement inspiré du manuel de la finance structurée. Il s’agissait d’un prêt garanti par les revenus d’une procédure judiciaire qui n’avait même pas encore commencé et qui pourrait ne jamais voir le jour. Le fait incontestable est que la saisie d’actifs souverains est illégale en vertu du droit international : peu importe l’ingéniosité de votre plan et vos efforts pour dissimuler le risque, la réalité financière ultime reste la même. La Belgique est un petit pays avec un passif important, et il est tout à fait normal qu’elle veuille couvrir ses risques, comme tout le monde l’a fait en refusant d’accorder des garanties illimitées.

Il s’agit d’une version éditée d’un article initialement publié dans la newsletter Eurointelligence.

Wolfgang Munchau est directeur d’Eurointelligence et chroniqueur pour UnHerd.

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