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L’intérêt général dans la région pour les résultats de la visite de Benjamin Netanyahu aux États-Unis ramène sur le devant de la scène l’unité des fronts.

Ibrahim Al-Amine

(AFP)

L’intérêt général dans la région pour les résultats de la visite de Benjamin Netanyahu aux États-Unis ramène sur le devant de la scène l’unité des fronts. En effet, indépendamment de tous les débats sur l’efficacité de l’alliance « unité des fronts » mise en place entre les forces de la résistance au cours des dernières années, les ennemis américains et israéliens, ainsi que leurs alliés régionaux et arabes, se sont engagés dans une lutte commune contre l’alliance de la résistance.

Tout ce que fait Israël depuis deux ans repose sur une hypothèse bien ancrée dans l’esprit israélien, selon laquelle les forces de la résistance sont réellement unies non seulement dans leur objectif, mais aussi dans leurs mécanismes de fonctionnement, et que tout ce qui distingue tel ou tel front des autres est lié aux conditions propres à chaque groupe de l’alliance de la résistance. Mais le comportement de l’ennemi est resté soumis à l’administration américaine, conformément à la règle selon laquelle il n’est pas possible d’éliminer la résistance dans un théâtre d’opérations sans laisser les autres.

C’est ce qui rend le lien entre la stabilité effective des théâtres d’opérations en Palestine, en Syrie, en Iran, au Yémen et même en Irak, un lien qui dépasse tous les calculs particuliers.

Dans de nombreuses régions du monde, certains parient sur des changements majeurs dans le paysage politique américain. Beaucoup interprètent la montée des critiques à l’égard d’Israël comme l’expression d’un changement majeur dans la politique américaine à l’égard de la région. En revanche, le président américain Donald Trump et son équipe ne cessent de répéter qu’ils sont déterminés à protéger Israël, son rôle et sa fonction, mais ils se trouvent face à une occasion d’étendre leur influence dans la région d’une manière qui n’avait pas été possible au cours des quatre dernières décennies.

Il se trouve en effet à la tête de régimes et d’États comprenant le Liban, la Syrie, la Palestine et une grande partie de l’Irak, ainsi que les pays de la péninsule arabique et des alliances étroites avec des pays centraux de la région tels que la Turquie, l’Arabie saoudite et l’Égypte.

De même, l’administration américaine, qui avant le 11 septembre dernier s’efforçait de limiter sa présence militaire, sécuritaire et politique à des cadres plus sûrs, a recommencé à étendre sa présence dans les pays de cette région, au point de retrouver une influence directe après des années de retrait massif d’Irak. Aujourd’hui, des dizaines de milliers de soldats américains sont déployés dans tous les pays de la région, à l’exception de l’Iran et du Yémen. Cette situation impose à l’administration américaine des calculs d’un autre ordre.

Mais la nouveauté dans le concept de sécurité selon lequel fonctionnent les États-Unis et Israël est qu’il repose essentiellement sur la force. Si Trump parle de « paix par la force », cela ne diffère guère, dans la pratique, du slogan israélien selon lequel « ce qui ne peut être obtenu par la force peut l’être par davantage de force ».

Ce concept n’était pas absent de la réflexion des deux parties, mais il a été appliqué avec force à la suite de l’opération « Déluge ultime », un concept qui régit toutes les politiques hostiles menées tant par les Américains que par les Israéliens. Il semble que certains pays aient été influencés par ce concept et cherchent à affirmer leur présence différenciée en s’appuyant sur des moyens de force, certains militaires, d’autres matériels, comme le font les Émirats arabes unis, qui sont devenus au cours des deux dernières années un partenaire à part entière des ennemis américains et israéliens.

Il convient de noter que le qualificatif « aventureux », qui s’applique à de nombreuses actions américaines et même israéliennes, pourrait être plus juste pour décrire l’action des Émirats. Mais les fils de Zayed n’agissent pas à leur guise, ils s’appuient essentiellement sur un programme de soutien et de protection fourni par Washington et Tel-Aviv, et ils partent du principe que leur rôle doit primer sur celui des autres, car ils sont ceux qui investissent le plus dans les forces et les groupes hostiles aux forces de résistance.

Tout ce qui précède nous amène à une conclusion inquiétante. Ce dont discutent aujourd’hui les Américains et les Israéliens, ce n’est pas l’identité des ennemis, ni les moyens de les combattre. Ils examinent plutôt la question sous l’angle d’une révision des résultats obtenus par leur programme au cours des deux dernières années. C’est pourquoi nous constatons que, dans l’entité occupante, certains sont plus prompts à comprendre l’ampleur de ce qui a été accompli.

Il n’est pas facile pour Israël de passer soudainement d’un discours de victoire et de vantardise sur ses grandes réalisations à un discours d’inquiétude et d’avertissement sur la possibilité que ces réalisations s’érodent et disparaissent. Ce changement de discours et de rhétorique n’a pas pour but de revenir sur le nouveau concept de sécurité, mais plutôt de relancer le discours de mobilisation auprès de leur public d’une part, et d’alimenter les discussions en cours avec les Américains en particulier d’autre part. Sans attendre la publication des détails des réunions entre Trump et Netanyahu, il est clair qu’Israël a convaincu les Américains – ou plutôt renforcé leur conviction – que ce qui a été accompli au cours des deux dernières années n’est pas suffisant pour déclarer la mission accomplie ou brandir le drapeau de la victoire absolue.

Les divergences entre Washington et Tel-Aviv se limitent à la Syrie et à une partie de la Palestine, mais les deux parties s’accordent sur la nécessité de mener davantage de guerres pour écraser les forces de résistance et leurs gouvernements dans toute la région.

En ce sens, on peut comprendre la nouvelle stratégie israélienne, qui consiste à se préparer à mener davantage de guerres dans la période à venir. Avec un ordre de priorités différent, en lien avec les changements en cours dans les plans américains. En d’autres termes, Israël ne renoncera pas à frapper les cibles qu’il souhaite frapper, mais il est contraint de prendre en compte les intérêts américains croissants dans la région. C’est la raison principale qui peut être invoquée pour parler d’« hésitation ou de prudence » dans la politique et les décisions de l’administration américaine.

Si Trump est connu pour sa franchise, il comprend que la question palestinienne reste la clé d’une solution globale dans la région. Bien que son administration, son armée et son gouvernement aient joué un rôle décisif dans toutes les actions menées par Israël, Trump, comme le reste de ses alliés dans la région, comprend qu’il ne sera pas possible d’aboutir à un résultat définitif tant qu’une solution ou une issue à la crise en Palestine n’aura pas été trouvée. C’est pourquoi il est pressant de mettre en place les étapes nécessaires à la résolution du conflit à Gaza.

Ici, on peut comprendre les divergences avec Israël. Il en va de même en Syrie, où Washington estime que les risques perçus par Israël ne constituent pas une menace imminente, contrairement à l’Iran, au Hezbollah, au Hamas et aux partisans de Dieu au Yémen. Au contraire, l’administration américaine estime qu’il faut laisser à ses alliés, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar et la Turquie, tout le temps nécessaire pour régler la situation en Syrie conformément au plan global pour le nouveau Moyen-Orient.

Par conséquent, la divergence sérieuse entre les deux parties concerne d’abord la manière de créer un cadre régional pour parvenir à une solution à Gaza et de conclure un accord efficace entre Israël et la Syrie.

Mais cela s’applique-t-il aux autres théâtres d’opérations ?

Absolument pas, et on ne peut pas se fier aux divergences américano-israélo-saoudiennes-turques sur Gaza et la Syrie pour établir des calculs différents concernant le Liban, l’Iran et le Yémen. Au contraire, la large coalition contre les forces de résistance est plus que jamais prête à mener une guerre plus importante, dans le but d’écraser les forces de résistance dans ces zones.

Et si certains parient sur des changements sérieux dans les positions de la Turquie et de l’Arabie saoudite concernant une frappe contre l’Iran, le Liban ou même le Yémen, Israël et les États-Unis ne sont pas disposés à les satisfaire. Au contraire, l’alliance américano-israélienne considère que si elle réussit à écraser les forces de la résistance, elle aura le dernier mot dans ses relations avec les autres partenaires de la région.

Par conséquent, toutes les estimations actuelles concernant l’Iran, le Liban et le Yémen, qui s’appuient sur ce qu’on appelle les « données de la diplomatie publique », sont hors de propos dans le contexte d’une recherche sérieuse menée par les ennemis. Ce qu’Israël prévoit de faire avec le soutien et la collaboration des Américains vise à mener une guerre encore plus brutale contre l’Iran dans le but de renverser le régime cette fois-ci, contre le Yémen dans le but de renverser les partisans de Dieu et de les renvoyer à Saada, et contre le Hezbollah dans le but de se débarrasser de sa base et de la pousser à émigrer en quête de sécurité en Irak ou dans d’autres pays du monde.

Concrètement, il n’est plus important de parler de timing, d’heure zéro ou d’occasion, mais il est important de comprendre que ce qu’Israël et les États-Unis prévoient au Liban nécessite cette fois-ci une interaction de la part des parties locales qui ont un rôle à jouer dans l’encerclement de la résistance.

Il ne faut pas exclure la possibilité que le nouveau pouvoir en Syrie soit entraîné dans des combats avec le Liban, et certains incitent les dirigeants syriens à faire ce choix, sous prétexte de vengeance d’une part, et pour échapper à des revendications internes pressantes après une année sans résultats en Syrie même. En ce sens, les dirigeants libanais ne doivent pas s’étonner de la montée en puissance du discours de la résistance qui met en garde contre les conséquences d’une confrontation sous le slogan « l’exclusivité des armes » !

Certains d’entre nous diront peut-être que, face à ces possibilités, ne vaut-il pas mieux accepter un compromis qui mette les armes de côté jusqu’à ce que d’autres conditions soient réunies ?

Ceux qui appellent à « garder la tête froide » face à la tempête ne veulent pas lire l’histoire récente du Liban, ni tirer les leçons de l’expérience de la capitulation face à l’étranger, telle que l’a maîtrisée la droite libanaise, récoltant pertes et déceptions.

C’est là une question rhétorique, qui cache implicitement la conviction non déclarée que certains ne veulent plus supporter le coût de la résistance. Et lorsque certains en décideront ainsi, ils ne manqueront pas de brandir les slogans « préserver l’existence », « protéger les acquis » et « garantir la sécurité sociale », entre autres, sachant que l’histoire récente du Liban, et non lointaine, nous apporte la réponse à ce type de questions et de choix. Pour rappel, le Front libanais, formé par la droite libanaise dans les années 1960, s’est employé, moins d’une décennie plus tard, à tisser un réseau d’alliances diaboliques avec tous les pays de la région et avec l’Occident, afin d’atteindre des objectifs tels que « préserver l’existence chrétienne », « protéger les acquis au pouvoir » et « garantir l’indépendance ». Mais ils ont oublié que personne dans le monde ne construit sa stratégie sur des bases morales, et le prix à payer a été la perte de la base sociale de cette droite, de toute son influence et de ses droits, ainsi que la perte de tout espoir de garanties. Et les voilà, les héritiers de cette même droite, qui reprennent aujourd’hui le même refrain, rêvant d’un petit État, avec une colline près de la mer qui le relie au reste du monde…

Les jours ou les semaines à venir pourraient être riches en surprises supplémentaires de la part de l’ennemi, ou être le moment de mettre en œuvre une partie du programme visant à écraser la résistance au Liban comme dans d’autres régions. Et quand Israël fera cela, il n’aura pas seulement le feu vert américain, mais aussi la pleine participation des États-Unis à la guerre, comme cela a été le cas ces deux dernières années. Ceux qui pensent que ce qui s’est passé au Liban était une action purement israélienne se trompent. Il est désormais clair, d’après les faits et non d’après les analyses, que les États-Unis ont été un partenaire à part entière dans toutes les opérations majeures qui ont eu lieu, depuis l’assassinat du martyr Hassan Nasrallah et de son successeur, le martyr Hashem Safieddine, en passant par l’opération « des Bipeurs » et jusqu’à l’assassinat du commandant djihadiste Haitham al-Tabtabai il y a environ quarante jours… Tout indique qu’Israël se prépare à réitérer ces actes, peut-être à plus grande échelle qu’auparavant !

Il n’est donc pas question de luxe, d’exagération ou d’impuissance, lorsqu’il est clair que la confrontation est le moyen le plus court pour atteindre l’objectif simple de vivre en liberté et en sécurité, et de rechercher la croissance et la prospérité. Cela ne repose pas sur des théories de compromis et de concessions, mais sur la résistance… et rien d’autre que la résistance… Voulez-vous vraiment que nous déposions les armes ?

Al Akhbar