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Par Elijah J. Magnier 

Israël a réussi à détourner l’attention de la communauté internationale de ses actions controversées à Gaza et en Cisjordanie pour l’orienter vers un conflit possible avec l’Iran, un scénario que Téhéran redoute depuis le 7 octobre. Lorsque Muhammad al-Deif, le chef militaire du Hamas, a appelé l’Axe de la Résistance à s’engager pleinement dans le conflit contre Israël, tous les membres sont restés prudents, en cherchant à maintenir l’attention mondiale sur la cause palestinienne, qui bénéficie d’un large soutien international, plutôt que sur l’Iran et le Hezbollah, qui ont longtemps été dépeints de manière négative.

Lorsque l’Iran a riposté à la destruction de son consulat à Damas, les États-Unis ont pris la tête d’une coalition internationale régionale (armée de l’air et bases terrestres américaines, Royaume-Uni, France, Jordanie et navires de l’OTAN) afin de limiter les retombées. La portée des missiles balistiques s’en est trouvée limitée, de sorte que seuls quelques-uns d’entre eux ont pu pénétrer les défenses, y compris les nombreuses couches de missiles d’interception israéliens. Cette intervention stratégique a apporté à Israël un soutien moral important et a renforcé sa confiance dans la solidité de ses défenses s’il décidait d’affronter directement l’Iran. Ce soutien est intervenu en dépit de la condamnation internationale des crimes commis par Israël à Gaza et des efforts déployés par les États-Unis et les pays occidentaux pour empêcher une guerre totale sur plusieurs fronts au Moyen-Orient.

Pendant que les dirigeants israéliens réfléchissent à la manière de répondre aux actions de l’Iran sans déclencher un cycle de frappes de représailles qui pourrait dégénérer en un conflit plus large, l’Iran a clairement fait savoir qu’il répondrait rapidement et avec plus de force à toute nouvelle frappe israélienne en utilisant ses missiles et ses drones avancés. 

Des sources iraniennes de premier plan ont affirmé que « toute riposte israélienne aurait sa réponse proportionnée : une frappe militaire entraînerait une frappe sur une cible similaire en Israël, et une frappe nucléaire entraînerait une frappe de nature équivalente. L’Iran a également indiqué qu’il disposait d’armes perfectionnées qui ne seraient pas utilisées lors de la première riposte calculée. Cette riposte imminente, selon les sources, sera non seulement réciproque, mais aussi nettement plus destructrice, conçue pour s’intensifier en réponse aux actions israéliennes. Téhéran a rejeté tous les appels internationaux à la désescalade, arguant que ces efforts devraient plutôt être dirigés vers Israël. Selon les sources, (le premier ministre Benjamin) Netanyahou ne passerait pas à l’action militaire sans le soutien implicite des États-Unis, qui, selon elles, soutiennent la fermeté d’Israël ».

L’armée iranienne se prépare à déployer la troisième génération de son arsenal d’armes avancées dans un délai très court, après avoir élaboré de nombreux scénarios et un plan de riposte ciblé en fonction de la nature et du lieu d’une frappe israélienne.

Entre-temps, l’inquiétude est palpable au sein de la population iranienne, dont certains se souviennent du dernier conflit majeur avec l’Irak, qui s’est achevé en août 1988. Malgré cela, la République islamique n’a pas pris de mesures préventives d’envergure, comme sonner l’alarme, fermer l’espace aérien, interrompre les activités quotidiennes dans les écoles, les universités et les bureaux du gouvernement, et maintenir un état de préparation militaire dans tout le pays sans perturber la vie civile.

L’Iran est confiant dans sa capacité à résister à d’éventuelles attaques en raison de l’immensité de son territoire, qui s’étend sur 1 650 000 km2. Cette vaste superficie lui permet d’absorber des pertes importantes, ce qui contraste fortement avec la « malédiction » géographique et l’empreinte d’Israël, qui fait seulement 22 000 km2, ce qui correspond à l’une des plus petites provinces de l’Iran, l’Ilam.

Compte tenu de l’absence de succès à Gaza, les responsables israéliens doutent de la possibilité d’obtenir des résultats stratégiques contre l’Iran, qui est prêt à une collision frontale. L’ancien commandant de l’armée israélienne et actuel ministre de la guerre, Gadi Eisenkot, l’a reconnu : « Les capacités militaires et technologiques avancées d’Israël sont sans équivalent dans le monde. Malgré ces avantages, nous n’avons pas réussi à vaincre l’un de nos ennemis les plus vulnérables et les plus faibles après six mois de guerre. Le plus grave, c’est que les résultats de la guerre ne se feront pas sentir maintenant, mais dans quelques années », ce qui laisse supposer un retard dans la réalisation de l’impact global.

Les USA ont fourni à Israël une aide militaire substantielle et extraordinaire sans précédent depuis la Deuxième Guerre mondiale. Toutefois, Israël hésite à s’engager dans un affrontement à grande échelle sans le soutien explicite des USA, compte tenu du risque d’escalade incontrôlable. Par conséquent, Netanyahou préconise une « réponse réfléchie » pour éviter de déclencher une guerre régionale impliquant les alliés de l’Iran au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen, qui ont des liens organiques avec la République islamique et qui ont historiquement contesté la supériorité militaire d’Israël.

L’Iran a rompu avec les règles d’engagement établies qui sous-tendaient la doctrine israélienne de « batailles entre les guerres », qui incluait historiquement des batailles courtes, des frappes secrètes et de sécurité, des opérations en haute mer et des actions contre les centres de renseignement en Irak et en Syrie. Le passage à la guerre ouverte et à l’affrontement a été précipité par l’action agressive d’Israël qui a détruit le consulat iranien en Syrie, en violation de la convention de Vienne de 1961. En conséquence, les USA sont parfaitement conscients que Netanyahou pourrait volontairement les entraîner dans le conflit, car il sait que les USA n’abandonneront pas Israël.

Des responsables américains, dont le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, ont réaffirmé leur attachement et leur soutien indéfectible à la sécurité d’Israël, « même lorsque ce dernier prend des mesures que les USA désapprouvent ». Cette situation a démontré la dépendance d’Israël à l’égard d’un « chien de garde » fidèle qui protège même ses faux pas.

Le président iranien Ebrahim Raisi a souligné que « le soutien occidental à Israël alimente les tensions régionales ». Il a déclaré que l’Iran « ripostera dans les minutes qui suivent toute action militaire menée contre lui de manière massive et globale ». Cette réponse soulève la question de savoir si Israël, confronté à la perspective de frappes de missiles plus intenses et plus étendues et à l’ouverture de nouveaux fronts, cherche d’urgence une stratégie de sortie pour désamorcer la situation et atténuer l’impact sur d’autres champs de bataille potentiels.

La Maison-Blanche et son porte-parole pour la sécurité nationale, l’amiral John Kirby, ont ouvertement rejeté l’impact de la frappe iranienne, en décrivant l’interception effective de « 99 % des missiles et des drones » comme une affirmation exagérée et l’action iranienne comme un simple « spectacle » qui ne justifiait pas une riposte. Cette perspective a fourni au premier ministre Netanyahou une « échelle » rhétorique à gravir depuis sa position précaire dans un contexte de pression intérieure croissante et d’appels à la désescalade de la part de la communauté internationale.

Sur le plan intérieur, Netanyahou est confronté à des pressions contradictoires de la part de son gouvernement et de la coalition qui le maintient au pouvoir. Benny Gantz, ministre dans le cabinet de guerre, ainsi que d’autres rivaux politiques au sein du Likoud prônent une position plus agressive à l’égard de l’Iran, exacerbant ainsi le dilemme politique de Netanyahou. Gantz a réussi à rallier à sa cause plus de dix membres du Likoud, affaiblissant ainsi l’influence de Netanyahou. De même, le ministre de la Défense Yoav Gallant, qui ambitionne de diriger le Likoud et de remplacer Netanyahou, préconise une attaque contre l’Iran malgré son manque apparent de charisme. Yair Lapid, le chef de l’opposition, a lancé un avertissement sévère : « Netanyahou mènera Israël à la ruine jusqu’à ce que son gouvernement s’effondre ».

Dans ce contexte de pressions nationales et internationales, Netanyahou navigue dans une mer houleuse, à la recherche de la décision optimale pour conserver le pouvoir et éviter les écueils qui se sont accumulés depuis le 7 octobre. L’attaque iranienne ajoute à la situation déjà précaire de Netanyahou.

Sur le front international, si les USA conviennent avec Israël que l’Iran représente une menace importante pour leurs intérêts et leur hégémonie au Moyen-Orient, ils divergent quant à l’approche à adopter. La stratégie américaine privilégiée consiste à gérer « délicatement » le problème iranien en imposant des sanctions, en menant des opérations de renseignement et éventuellement en fomentant des troubles intérieurs en Iran, plutôt que de s’engager dans une confrontation militaire directe. Cette approche nuancée reflète une stratégie plus large consistant à jauger soigneusement les réponses possibles de l’Iran, alors que la communauté internationale attend la prochaine action de Téhéran à la suite de l’inévitable réponse israélienne. La situation a donc atteint un point où les deux parties sont sur un pied d’égalité, la prochaine action étant résolument dans le camp d’Israël. 

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