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Même si les taux de grévistes indiqués par le ministère sont sous-estimés, ils pointent de façon différentielle l’exceptionnalité du mouvement engagé dans les lycées professionnels. Le sentiment que la voie professionnelle risque d’être mise « à la rue » pour ce qui concerne les lycées professionnels se fait jour, ainsi que le souci de ce qui pourrait enfin la mettre « en vue ».

claude lelièvre, Historien de l’éducation

Pour la journée du 18 octobre, le ministère a annoncé un taux de grévistes autour de 3% pour les écoles, de 8% pour les collèges, de 9 % pour les lycées généraux et technologiques et enfin de 23 % pour les lycées professionnels . Le différentiel de ces taux est d’autant plus remarquable que dans le passé, le taux de grévistes a été presque toujours plus faible dans les lycées professionnels que dans les autres secteurs de l’enseignement scolaire.

Cela met indéniablement en vue qu’il y là un problème qui ne aurait rester en l’état sans initiatives ad hoc et qu’on ne saurait en rester aux annonces actuelles du ministère de l’Education nationale et de celui chargé de l’Enseignement et de la Formation professionnelle qui ont été mises en cause par l’ensemble des syndicats des lycées professionnels.

L’un des points les plus curieux en l’occurrence, c’est que l’on semble oublier qu’en 2018 le ministre de l’Education nationale précédent – Jean-Michel Blanquer – avait déjà annoncé une réforme d’importance des lycées professionnels. Fin mai 2018 , il l’avait promue urbi et orbi devant la presse rassemblée : « c’est l’un des jours les plus importants de mon mandat. Je l’ai toujours dit, ma deuxième priorité après le primaire, c’est la voie professionnelle » .

On a pourtant cru que c’était surtout la réforme du baccalauréat et du lycée général et technologique. Mais on s’est certainement trompé. Jean-Michel Blanquer n’avait pas lésiné sur les termes laudatifs : « le lycée professionnel, un grand atout pour notre pays », « un catalyseur de promotion », « un tremplin », « quelque chose qui ouvre vers une destinée choisie »

Un quinquennat du président de la République Emmanuel Macron a passé. Et un quinquennat de Jean-Michel Blanquer au ministère plus tard, on en est à nouveau à évoquer une grande réforme des lycées professionnels, urgente et d’importance. Sans aucun bilan évidemment de la précédente si urgente et si décisive, elle aussi.

S’il est un thème historique que l’on ne devrait pas perdre de vue en la matière (même s’il est récurrent et qu’il n’a toujours pas trouvé de solution satisfaisante), c’est celui de la « revalorisation de la voie professionnelle »

Comme l’a dit l’historien Vincent Trojer, un très bon connaisseur de l’histoire de la voie professionnelle, à la fin de son interview dans « Le Monde «  du 18 octobre : « pour revaloriser le lycée professionnel il n’y a qu’une solution : il faut faire en sorte d’organiser des possibilités de trajectoires ascendantes via une formation professionnelle, jusqu’à arriver éventuellement à un master […]. Pour l’instant , il n’y a que 15 ou 20% des élèves des lycées professionnels qui obtiennent un BTS. C’est une formation qui donne l’impression aux familles d’enfermer leurs enfants dans un destin d’ouvrier ou d’employé ».

Claude Llièvre