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Andrew Korybko

La plupart des démocrates pro-palestiniens ne seront probablement pas dupes de la mascarade de Biden, et s’ils restent plus attachés à la cause palestinienne qu’à celle de leur parti et votent pour un troisième parti en signe de protestation, alors le retour de Trump pourrait être un fait accompli.

Lors de son discours sur l’état de l’Union, jeudi, Joe Biden a annoncé : « J’ordonne à l’armée américaine de mener une mission d’urgence pour établir un quai temporaire en Méditerranée, sur la côte de Gaza, qui puisse accueillir de grands navires transportant de la nourriture, de l’eau, des médicaments et des abris temporaires ». Il a ajouté qu' »aucune botte américaine ne sera déployée sur le terrain. Cet embarcadère temporaire permettrait d’augmenter massivement la quantité d’aide humanitaire acheminée chaque jour à Gaza ».

La Commission européenne, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas, la République de Chypre, les Émirats arabes unis et le Royaume-Uni ont ensuite publié une déclaration commune avec les États-Unis sur le corridor maritime complémentaire qu’ils mettent en place pour soutenir ces projets portuaires. Cette initiative intervient alors que certains pays ont commencé à larguer de l’aide par avion sur Gaza, alors que l’inquiétude mondiale grandit face à la crise humanitaire de l’enclave, qui résulte entièrement de la punition collective infligée par Israël aux Palestiniens.

Ces efforts menés par les États-Unis peuvent sembler nobles en principe, mais ils sont en réalité cyniques sur le fond, puisque Washington refuse d’exercer une pression significative sur Tel-Aviv pour qu’il réduise ses opérations militaires et permette à l’aide nécessaire d’entrer dans Gaza par les voies terrestres traditionnelles à travers Israël. En outre, l’Associated Press a rapporté dimanche que cette dernière initiative ne portera pas ses fruits avant au moins deux mois, période pendant laquelle la crise susmentionnée s’aggravera inévitablement.

La seule raison pour laquelle Joe Biden met en œuvre ces plans d’aide aérienne et maritime tout en continuant à opposer son veto aux résolutions de cessez-le-feu du Conseil de sécurité des Nations unies, qui sont le seul moyen d’alléger les souffrances des Palestiniens de Gaza, est liée à des considérations électorales internes. Al Jazeera a récemment attiré l’attention sur le fait que 13 % des électeurs démocrates des primaires du Michigan ont voté « sans engagement » et que 19 % l’ont fait dans le Minnesota, deux États clés du champ de bataille, ce qui montre que sa base proteste contre sa politique régionale.

Chacun de ces États compte une importante minorité musulmane, mais ces statistiques suggèrent que les croyants ne sont pas les seuls à se détourner de Joe Biden en raison du blanc-seing qu’il a accordé à Israël dans ce conflit, en dépit de ses discours sur la responsabilité qui lui incombe d’éviter les pertes civiles. Le mouvement palestinien est aujourd’hui une force de mobilisation politique aussi puissante que l’est devenu le mouvement sceptique à l’égard du COVID, et cette nouvelle dynamique politique pourrait faire échouer sa candidature à la réélection s’il n’est pas en mesure d’en reprendre le contrôle.

Étant donné que Joe Biden n’envisage pas de revoir sa politique à l’égard de ce conflit, et qu’en théorie, sa base considérerait qu’il est trop tard, si tant est que cela se produise, le seul moyen d’essayer de reconquérir les électeurs pro-palestiniens qui ne s’intéressent qu’à une seule question est de mettre en place ces spectacles d’aide aérienne et maritime. L’objectif est de donner l’impression que les États-Unis prennent l’initiative d’alléger les souffrances infligées aux Palestiniens par Israël, éventuellement après avoir fait pression en coulisses pour qu’ils donnent leur accord, alors que ce n’est pas du tout ce qui est en train de se passer.

Israël accepte ces plans parce qu’il espère qu’ils réduiront la pression mondiale qu’il subit, en particulier au sein de la société civile occidentale, et non pas parce que les États-Unis lui ont tordu le bras. En outre, il continue de bloquer l’aide à la frontière et ne la laisse passer qu’au compte-gouttes, tandis que son allié égyptien – malgré les discours théâtraux de ses représentants sur le soutien à la Palestine – maintient également la frontière fermée aux réfugiés en fuite, en violation du droit international, et ne laisse passer qu’une aide au compte-gouttes.

L’Égypte profite du spectacle électoral de Biden tout autant qu’Israël puisqu’il sert à détourner une partie du public de sa politique tout aussi immorale à l’égard de la Palestine, même si la plupart des activistes, y compris américains, ne sont pas dupes de cette ruse. C’est là que réside le problème, puisque Biden a désespérément besoin de reconquérir la faction pro-palestinienne de sa base, de peur qu’elle ne vote pour un tiers parti en novembre, en guise de protestation politique de principe, au lieu des Démocrates, et ne redonne ainsi la présidence à Trump.

Peu de gens devraient tomber dans le panneau, car de nombreux activistes palestiniens sont très bien informés sur ce conflit et savent donc parfaitement que ces plans d’aide aérienne et maritime ne sont qu’un spectacle. D’une part, cela leur montre que l’équipe de Biden est consciente de leur protestation « non engagée » lors des primaires et qu’elle y réagit, mais d’autre part, c’est tout à fait insuffisant. La seule façon de s’assurer leur soutien est de forcer Israël à accepter un cessez-le-feu immédiat qui conduise à l’indépendance palestinienne.

Il n’est pas réaliste de s’attendre à cela, car le temps de le faire est passé depuis longtemps, et alors que tout nouveau cessez-le-feu serait, comme on pouvait s’y attendre, présenté par les États-Unis comme une prétendue preuve de leur engagement en faveur de cette cause approuvée par le Conseil de sécurité des Nations unies, ils n’ont jamais rien fait d’important dans ce sens au cours de toutes ces décennies. La plupart des démocrates pro-palestiniens le savent et c’est pourquoi il est peu probable qu’ils soient dupés par les spectacles d’aide à Gaza de Biden, et s’ils restent plus attachés à la cause palestinienne qu’à celle de leur parti, alors le retour de Trump pourrait être un fait accompli.

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