Juan Cole

Malgré tout le battage fait autour du barrage largement symbolique de plus de 200 drones et missiles de croisière et balistiques de l’Iran, lâchés sur le désert peu peuplé du Néguev (où ce sont principalement des Bédouins palestiniens qui ont été mis en danger), l’importance militaire de cette action a été minime. Une base israélienne a été touchée à Dimona, qui abrite les têtes nucléaires du pays, mais le gouvernement a déclaré que les dégâts étaient minimes. Presque tous les projectiles ont été abattus par les forces aériennes jordaniennes, israéliennes et américaines, ou par des missiles anti-missiles. La seule victime semble être une fillette bédouine palestinienne de 7 ans, grièvement blessée par la chute d’un missile.

L’Iran a frappé parce que le Premier ministre israélien Binyamin Netanyahou a fait bombarder, le 1er avril, l’annexe consulaire de l’ambassade d’Iran à Damas, tuant de hauts fonctionnaires iraniens, dont le général de brigade Mohammad Reza Zahedi et sept autres officiers du Corps des gardiens de la révolution iranienne (C.G.R.I.). Ces fonctionnaires étaient présents à l’invitation du gouvernement syrien, et les ambassades sont protégées contre les attaques militaires par la convention de Vienne.

L’Iran a invoqué l’article 51 de la Charte des Nations unies pour justifier sa contre-attaque contre Israël, qui garantit aux États le droit à l’autodéfense. Les ambassades sont considérées comme un territoire national.

L’ayatollah Ali Khamenei, chef religieux de l’Iran, a déclaré mercredi lors de son sermon de l’Aïd al-Fitr : « Les consulats et les ambassades de n’importe quel pays sont le sol de ce pays. Le régime maléfique a commis une erreur et doit être puni et le sera ». Il a ajouté : « Les événements de Gaza ont montré au monde entier la nature maléfique de la civilisation occidentale. Ils ont tué une trentaine de milliers de personnes sans défense ; ces personnes ne sont-elles pas humaines ? N’ont-ils pas des droits ? » Il a également déclaré : « Ils ont montré de quel type de civilisation il s’agit. Un enfant est tué dans les bras de sa mère. Le patient meurt à l’hôpital. Leur pouvoir ne peut pas toucher … les hommes de la résistance ; alors ils ciblent la vie des membres de la famille, la vie des enfants et des opprimés, la vie des vieillards. »

Vidéo d’Al Jazeera English : « La guerre d’Israël contre Gaza en direct : Explosion, sirènes, missiles iraniens interceptés ».

La mission permanente de l’Iran auprès des Nations unies à New York a écrit sur X,

• « Conduite sur la base de l’article 51 de la Charte des Nations unies relatif à la légitime défense, l’action militaire de l’Iran était une réponse à l’agression du régime sioniste contre nos locaux diplomatiques à Damas. L’affaire peut être considérée comme close. Toutefois, si le régime israélien commet une nouvelle erreur, la réponse de l’Iran sera considérablement plus sévère. Il s’agit d’un conflit entre l’Iran et le régime israélien voyou, dont les États-Unis DOIVENT SE TENIR À L’ÉCART !

Téhéran estime qu’avec cet échange, « l’affaire peut être considérée comme conclue ». L’ayatollah Ali Khamenei ne cherche pas à déclencher une guerre totale.

Ce n’est pas seulement l’attaque de l’ambassade iranienne qui a ouvert la voie au tir de barrage de l’Iran, mais aussi les six mois de bombardements israéliens intensifs sur les Palestiniens de Gaza, au cours desquels la grande majorité des personnes tuées étaient des non-combattants innocents, dont 70 % étaient des femmes et des enfants et beaucoup d’autres des hommes non-combattants. Le nombre de morts s’élève aujourd’hui à 33 686 Palestiniens. Seule une petite clique de militants a commis l’horrible attaque du 7 octobre contre Israël, sans dire à personne ce qu’elle préparait. Il n’existe aucune justification militaire ou autre à l’utilisation d’un programme d’intelligence artificielle pour identifier tous les membres des forces paramilitaires du Hamas (dont certaines sont l’équivalent d’une surveillance de quartier pour la sécurité locale) et pour les assassiner depuis le ciel avec leurs conjoints, leurs enfants, leur famille élargie et leurs voisins.

L’Iran s’est engagé à défendre les Palestiniens et a été ridiculisé par les atrocités israéliennes en cours, qui ont fait bouillir le sang des populations du Moyen-Orient et ont considérablement augmenté l’estime qu’elles portent à l’Iran. La grève de l’ambassade a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Si l’Iran n’y répondait pas, au moins symboliquement, sa crédibilité et la dissuasion qu’on lui prêtait devenaient une plaisanterie.

Pour sa part, Netanyahou tentait de provoquer l’Iran, dans l’espoir que Téhéran morde à l’hameçon. Il savait que même Washington en était venu à considérer Israël comme l’agresseur à Gaza et qu’il perdait le soutien du Congrès. Il savait que si la question devenait une attaque iranienne contre Israël, les capitales occidentales se rallieraient toutes à lui et lui pardonneraient, au moins pour un temps, d’avoir fait entrer l’équivalent israélien des néo-nazis dans son cabinet et d’avoir ensuite fait Amalek sur des dizaines de milliers de Palestiniens innocents.

En fin de compte, Khamenei et les gardiens de la révolution ont laissé leur dévotion au défunt général Zahedi influencer leurs émotions et sont tombés dans le piège de Netanyahou.

Plus tôt dans la journée de samedi, la section navale du corps des gardiens de la révolution iranienne a arraisonné et confisqué un porte-conteneurs dans le golfe d’Oman.

Juan Cole