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AFP

    La facture est salée: le déficit public de la France a finalement atteint 5,5% du PIB en 2023, a dévoilé mardi l’Insee, soit quelque 18 milliards d’euros de plus que ce qu’avait prévu le gouvernement, compliquant l’objectif de désendettement pourtant réaffirmé mardi par le ministre de l’Economie.

    Dans un contexte budgétaire tendu, le chiffre de l’Insee était particulièrement attendu car chaque décimale compte pour les finances publiques. Les spéculations allaient bon train depuis une semaine sur le chiffre exact, depuis notamment l’évocation dans la presse de chiffres allant jusqu’à 5,6% du produit intérieur brut (PIB).

    Finalement, le déficit dépasse de 0,6 point de pourcentage la prévision du gouvernement, qui tablait sur 4,9% du PIB. Selon l’économiste Mathieu Plane, interrogé par l’AFP, « chaque 0,1 point » de PIB de déficit supplémentaire « représente environ 3 milliards » d’euros en moins dans les caisses de l’Etat.

    « Ce chiffre marque une dégradation de 15,8 milliards d’euros par rapport aux dernières prévisions », a indiqué sur le réseau X le ministre délégué aux Comptes publics, Thomas Cazenave

    L’augmentation du déficit l’an dernier s’explique notamment par des recettes qui « ralentissent nettement en 2023 » (+2,0% contre +7,4% en 2022), précise l’Insee.

    Les recettes ont été « pénalisées par le ralentissement de l’économie, des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, et un recul des transferts reçus », détaille l’institut, en signalant des impôts « quasi à l’arrêt », en hausse de « seulement de 0,3% » contre 7,9% en 2022. Les recettes de TVA, notamment, « ralentissent nettement à +2,8% après +7,6% ».

    Le Maire « discrédité » ? –

    « Monsieur Macron est comptable de ce bilan désastreux ! », a réagi sur X le patron des Républicains Eric Ciotti, évoquant un « chant du cygne » des finances publiques.

    « La politique du gouvernement est en situation d’échec », a renchéri sur Public Sénat le rapporteur du Budget au Sénat, Jean-François Husson (LR), pour qui le ministre de l’Economie et des Finances « Bruno Le Maire est discrédité et décrédibilisé, sa responsabilité est engagée ».

    « C’est un effondrement de l’autorité de la France en Europe », a-t-il jugé, alors que la France, au troisième rang des pays les plus endettés de la zone euro, a promis à ses partenaires européens de faire passer son déficit sous les 3% de PIB en 2027.

    « Ma détermination à rétablir les finances publiques et à repasser sous les 3% de déficit public en 2027 est intacte, je dirais même qu’elle est totale », a répliqué Bruno Le Maire sur RTL.

    Cependant, le retard accumulé en 2023 pèsera en 2024 et les années suivantes. En partant de 5,5% de déficit, la « marche à franchir » pour atteindre 3% est « d’autant plus haute », a relevé auprès de l’AFP Mathieu Plane, « ça va être très difficile à atteindre ».

    Le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici a regretté mardi le dérapage « important » et « très, très rare » du déficit de la France.

    – « Beaucoup de sang-froid » –

    Cela demandera « des efforts supplémentaires, plus de détermination, beaucoup de méthode et beaucoup de sang-froid », a concédé mardi matin Bruno Le Maire, tout en réaffirmant son opposition « à toute augmentation d’impôts ».

    Invité mercredi du JT de TF1, le Premier ministre Gabriel Attal évoquera notamment « la question du déficit », a indiqué la chaîne mardi.

    Un nouveau tour de vis budgétaire sera nécessaire, avait prévenu dès vendredi le président Emmanuel Macron.

    Dix milliards d’euros de coupes ont été actées mi-février sur le budget de l’Etat 2024. Mais il faudra compléter l’ajustement « dans toutes les actions utiles de la dépense publique », avait-il indiqué, visant notamment les dépenses sociales ou des collectivités locales.

    Mi-mars, Thomas Cazenave avait estimé qu’il faudrait trouver « au moins 20 milliards » d’euros d’économies pour 2025, et annoncé de nouvelles revues des dépenses publiques, notamment celles liées aux affections de longue durée, les aides au cinéma ou encore l’absentéisme dans la fonction publique.

    Cela présage d’une « saignée sans précédent sur les finances publiques », a regretté sur France 2 Manuel Bompard (LFI), voyant dans le chiffre de l’Insee un « désaveu cinglant », qui serait « d’abord le bilan d’Emmanuel Macron ».

    Plutôt que de toucher aux dépenses publiques, il préconise « une augmentation des recettes en concentrant les hausses d’impôts sur les plus riches ».

    Plusieurs députés de la majorité, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance) en tête, ont eux aussi évoqué ces derniers jours des hausses d’impôts ciblées ou visant les superprofits.

    Concernant la dette francaise – 110,6% du PIB fin 2023, contre 109,7% initialement prévu -, « il faut assumer de dire » qu’il y a une partie que « nous ne rembourserons pas », a estimé Manuel Bompard.